RÉSUMÉ :
Les troubles neurocognitifs atteignent environ 35 millions d’individus dans le monde (Alzheimer’s Disease International, 2013). Afin de mieux comprendre la réalité des personnes atteintes par cette maladie, les chercheurs font généralement appel aux aidants ou aux soignants professionnels, négligeant par là même de s’adresser directement aux personnes atteintes. Si l’avancée de la maladie modifie l’expérience, les impacts et les symptômes, il n’en demeure pas moins que la progression est parfois lente. Conséquemment, la vulnérabilité engendrée par la maladie ne doit pas occulter les aptitudes toujours présentes chez ces personnes. Cet article présente les résultats d’une recherche portant sur les perceptions qu’ont les personnes vivant avec cette vulnérabilité. Les aptitudes qu’ils possèdent et la manière dont ils se valorisent malgré les pertes engendrées par la maladie sont mises en lumière selon la perspective centrée sur les forces.
MOTS-CLÉS :
Approche centrée sur les forces, aînés, trouble neurocognitif (maladie d’Alzheimer), domicile, besoins, expérience
INTRODUCTION
Le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’affections connexes est actuellement en croissance et le vieillissement de la population n’y est pas étranger (Durand, Barlow, 2002; Société Alzheimer du Canada, 2014; Statistique Canada, 2006). Cette mouvance démographique influence la nécessité d’une évolution en matière de soins pour une clientèle vieillissante (World Health Organisation, 2006). Actuellement, la population vivant avec un trouble neurocognitif est d’environ 35 millions d’individus dans le monde (Alzheimer ’s Disease International, 2013). Au Canada, 747 000 personnes vivent avec une atteinte neurocognitive dégénérative (Société Alzheimer du Canada, 2014). Pourtant, nous en savons peu sur l’expérience de la maladie chez les individus atteints et vivant à domicile.
Généralement, les troubles neurocognitifs sont perçus et définis selon une perspective fortement influencée par le modèle biomédical (Gillies, 2000). Par ailleurs, une majorité des études sur le sujet s’intéresse à l’état des besoins, ainsi qu’à la pression exercée sur ceux qui prodiguent les soins, plutôt qu‘à l’aidé (Cohen, 1991; Cox, 2007; Roest, Meiland, Maroccini et al, 2007). En ce sens, ces études font ressortir une victimisation implicite de l’aidant2, qui apparait alors comme oublié par le système. Cela tend essentiellement à marginaliser les individus atteints de la maladie en les présentant comme un « fardeau »3 et invalidant ainsi leurs opinions. Cette perception négative de la maladie s’applique, par ailleurs, au vieillissement en général qui apparait culturellement comme « une période dédiée au repos ou [encore] marquée par le retrait social » (Raymond, Gagné, Sévigny et Tourigny, 2008 : 3). L’aîné atteint d’un trouble neurocognitif subit cette double contrainte et perd potentiellement une chance de maintenir un certain degré d’autonomie : une autonomie de corps, mais aussi d’esprit (Cohen, 1991; Cox, 2007).
Le présent article a pour objectif de présenter les principaux résultats d’une recherche ayant exploré l’expérience subjective d’ainés vivant avec un trouble neurocognitif, au regard de leurs perceptions, de leurs attentes et de leurs sentiments. Afin de mieux comprendre l’expérience de vivre avec un trouble neurocognitif tel que l’Alzheimer, ainsi que les besoins qui en découlent, nous nous appuierons sur la perspective centrée sur les forces telle que développée par Charles A. Rapp et Richard J. Gosha (2012). En concordance avec cette perspective, la posture que sous-tend cet article est de percevoir tous les individus comme des êtres à part entière et comme une partie prenante de la solution de leur soutien à domicile. Nous visons à démontrer, à l’aide d’une analyse basée sur la perspective centrée sur les forces, que les personnes vivant avec un problème neurocognitif peuvent atteindre des buts, même si leurs capacités cognitives sont réduites. Cette posture de recherche permet ainsi de se distancier « d’une gestion purement médicale et comportementale des symptômes de la maladie » (Vézina, Cappeliez et Landreville, 2007 : 187).
La visée principale de cette recherche sera donc de donner la parole aux aînés atteints de troubles neurocognitifs. Leurs discours seront mis de l’avant en fonction des trois objectifs suivants :
1. se centrer sur la personne et ses aptitudes; 2. mieux comprendre la manière dont ils valorisent leur propre vie au cours de la maladie en fonction des forces individuelles et environnementales; 3. connaître les besoins d’aînés vivant à domicile avec un trouble neurocognitif afin de mieux comprendre leur expérience.
L’article se décline en cinq parties. Nous proposons dans la première section un survol de l’état des connaissances dans le domaine de la recherche sociale sur les troubles neurocognitifs. En deuxième partie sera présentée l’approche théorique sur laquelle s’appuie notre analyse, soit la perspective centrée sur les forces (Rapp et Goscha, 2012). Subséquemment, une brève description de la méthodologie utilisée sera exposée. En quatrième partie, nous présenterons nos résultats de recherche pour ensuite proposer des pistes d’interventions.
1. Le trouble neurocognitif : état des connaissances centrées sur la personne, ses aptitudes et ses besoins
Généralement présentés sous l’appellation de démence, les troubles neurocognitifs sont caractérisés par une détérioration progressive et irréversible du fonctionnement cérébral (Durand et Barlow, 2002)4. En concordance avec la nouvelle classification de la plus récente version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5) de l’American Psychiatric Association (2013), nous choisissons d’employer le terme « trouble neurocognitif » bien que le terme « démence » soit utilisé dans plusieurs études consultées. C’est aussi dans le respect de la philosophie de la Société Alzheimer de Québec, soucieuse de l’impact des mots décrivant les personnes vivant avec la maladie, que nous évitons le terme de démence.
Les troubles neurocognitifs ont pour caractéristique d’apparaitre d’abord à un âge relativement avancé (APA, 2013). De plus, la prévalence de ce trouble double tous les cinq ans à partir de l’âge de 65 ans (Alzheimer ’s Disease International, 2012). Cependant, les études effectuées sous l’angle du modèle biomédical stipulent que la maladie n’affecte pas uniformément les différentes fonctions cognitives et que certaines sont même préservées (Cohen, 1991; Jacquemin, 2009). Il faut aussi savoir que la symptomatologie ainsi que l’évolution de la maladie varient considérablement d’un individu à l’autre (Salmon, 2009). De même, les conséquences de la maladie prennent une multitude de formes et la progression des déficits en modifie l’expérience, les impacts et les symptômes (Société Alzheimer du Canada, 2014). À cela, il faut également ajouter que la vieillesse est un fait subjectif et que la « non-homogénéité du groupe social qualifié d’aînés » doit être considérée (Statistique Canada, 2006 : 26).
Malgré la pression, parfois grande, pour que la population ébranlée par des déficits cognitifs soit rapidement admise dans des endroits sécuritaires ou protégés (Waugh, 2009), l’étude de la Canadian Healthcare Association (2009) révèle qu’une majorité d’aînés, quelle que soit leur condition, préfèrent recevoir leurs soins à domicile. Néanmoins, l’expérience de la maladie à domicile est bien différente de celle en institution, implicitement liée au fait que les capacités préservées sont plus élevées chez les personnes vivant à domicile (Roest et al, 2007). Aussi, le respect de ce choix peut contribuer à l’amélioration de leur qualité de vie (Waugh, 2009), mais constitue un enjeu important pour les aînés atteints de troubles cognitifs vivant seuls. À ce sujet, Miranda-Castillo, Woods et Orell (2010) stipulent qu’environ un tiers de la population atteinte de ce trouble vivrait seule5.
Il est important aussi de mentionner que l’hétérogénéité clinique en matière de troubles neurocognitifs a favorisé le développement d’interventions centrées sur la personne tout en militant en faveur de la reconnaissance de l’identité préservée des aînés présentant un trouble neurocognitif (Salmon, 2009; Vézina et Pelletier, 2009). Ainsi, la vulnérabilité engendrée par la maladie ne doit pas occulter les aptitudes toujours présentes, puisque ces personnes conservent des ressources ayant une valeur psychologique et sociale (Brooker, 2007; Cohen, 1991). Il va sans dire que plus un diagnostic est émis précocement, plus il est possible qu’un nombre important de capacités soit préservé, ce qui devrait permettre une vie autonome plus longue (Université de Liège, 2005; Salmon, 2009; Wojtasik, Lekeu, Quittre, et al, 2009). Conséquemment, il est non seulement important, mais incontournable de considérer la perception des principaux concernés au sujet de leur situation de vie. En occultant leurs propos, il est difficile de croire que nos services répondent réellement à leurs besoins.
Par ailleurs, une majorité d’aînés vivant avec une atteinte neurocognitive considère leur situation comme partie prenante du vieillissement normal ou utilise des expressions foncièrement positives pour la qualifier (Smith et al., 2005). Cependant, ce positivisme ne permet pas d’éviter la vaste gamme d’émotions négatives : tristesse, peur, culpabilité, colère, etc. (MacQuarrie, 2005). Donc, plusieurs thèmes à connotation négative ressortent des écrits scientifiques lorsqu’il est question de l’expérience sociale de la maladie; des thèmes tels que les difficultés à entrer en contact avec les autres ou une distanciation par rapport aux activités qui suscitaient autrefois un intérêt (Holst et Hallberg, 2003). En ce sens, la maladie participe à la diminution des possibilités d’entrer en contact avec la société, entrainant du même coup un affaiblissement de l’estime de soi (Aggarwal et al, 2003; Cox, 2007; Gillies, 2000). Pourtant, l’activité est au cœur de la promotion et du maintien du bien-être de ces personnes (Brooker et Wooley, 2007). Qui plus est, l’activité présente une valeur thérapeutique, un moyen d’améliorer la qualité de vie, de générer de l’estime de soi et de maintenir un rôle dans sa vie (Marshall et Hutchinson, 2001; Brooker et Wooley, 2007) tout en offrant une possibilité de vivre normalement et une manière de briser l’isolement.
Enfin, la méta-analyse de Roest et al. (2007) permet de rendre compte du nombre important de besoins des personnes vivant avec un trouble neurocognitif. Les besoins d’être guidé dans les étapes de la maladie, de ne pas être stigmatisé, d’entrer en contact avec autrui et de s’engager dans diverses activités sont souvent nommés par ces personnes (Roest et al, 2007). Certains besoins semblent prédominer, tels que celui d’être informé, d’être impliqué au quotidien dans les décisions et d’être rassuré (Aggarwal et al, 2003; Marzanski, 2000; Proctor, 2001; Smith et al., 2005). Malgré le désir de pouvoir faire des choix et d’accéder, en certaines occasions, à plus d’indépendance, les personnes vivant avec un trouble neurocognitif ressentent aussi le besoin d’être soutenues et acceptées dans des contextes positifs (Cohen, 1991; Proctor, 2001; Aggarwal et al, 2003; Roest et al, 2007).
À la lumière de ces travaux, il apparait que l’intérêt porté au domicile comme dimension de l’étude semble, ici, d’autant plus justifié que vivre à domicile est une option qui pourra s’intensifier à l’avenir. Aussi, la prise en compte du point de vue des personnes semble fort pertinente dans la mesure où, dans les écrits scientifiques, les contraintes de la maladie ainsi que le choix de demeurer à domicile situent couramment les aidants comme la source idéale d’information. Ainsi, les individus atteints de cette maladie sont généralement perçus comme des sujets et non comme des personnes pouvant être interrogées directement (Cotrell et Schulz, 1993). Pourtant, reconnaître à cette population la capacité de s’exprimer librement permettrait de valoriser les aptitudes et les capacités préservées. En mettant l’accent sur ces dernières, on passerait alors d’une centration sur les pathologies à une centration sur les forces pour éventuellement les explorer. C’est donc dans cet esprit que la perspective axée sur les forces (Rapp et Goscha, 2012, Sheafor et Horejsi, 2006) est toute désignée pour étudier cette population.
2. La perspective centrée sur les forces
Jusqu’ici, dans le domaine du vieillissement, les préoccupations axées sur les déficits et les pathologies ont largement dominé la recherche, le domaine du service social inclus (Blundo, 2005). Or, la perspective centrée sur les forces vise un transfert de la fascination pour les pathologies vers celle des forces (Saleebey, 2005).
La perspective des forces (principalement défendue par Charles A. Rapp et Richard J. Gosha) a d’abord été développée dans le domaine de la santé mentale et s’adressait principalement aux personnes présentant des troubles mentaux. Rapp et Richard (2012) ont développé cette perspective au regard de la situation d’oppression vécue par cette population et des obstacles structurels auxquels elle est confrontée. Afin de prendre en compte ce contexte spécifique et remédier à la situation, l’approche centrée sur les forces se base sur six grands principes6 : 1. L’accent est mis sur les forces individuelles plutôt que sur la pathologie; 2. La communauté est perçue comme une oasis de ressources; 3. Les interventions sont développées en fonction des désirs de la personne; 4. La relation intervenant/aidé est primordiale afin d’éviter le modèle de courtage de services; 5. Les mesures d’action proactive sont le mode d’intervention privilégié; et 6. Les personnes atteintes d’un trouble mental peuvent continuer à apprendre, à grandir et à évoluer (Rapp et Goscha, 2012). Transposés à la recherche, ces principes permettent de valider le droit de parole des individus mis à l’écart en promouvant leurs forces malgré leurs difficultés. Une écoute attentive du discours des personnes vivant avec la maladie permettra de mieux comprendre leur expérience, leurs besoins et, ultimement, de valider leur désir de s’impliquer dans leur quotidien ou leur communauté.
Avant d’aller plus loin, il est important de décrire les concepts clés de cette perspective. D’abord, le but ultime du modèle des forces est la création de niches habilitantes (Figure 1). Ces niches sont fonction des possibilités qu’elles offrent à une personne de potentialiser ses aspirations et ses compétences et d’augmenter sa confiance en soi (Rapp et Goscha, 2012). Dès lors, l’atteinte des objectifs est déterminée par la qualité des niches disponibles dans la communauté ou dans l’entourage immédiat de la personne. Dans la figure 1, les niches sont représentées par la possibilité, pour les personnes, d’avoir une bonne qualité de vie, une satisfaction personnelle et un sentiment de compétence. Pour pouvoir considérer une niche comme habilitante, il est essentiel que les forces du milieu, les ressources de la communauté, les relations sociales sur lesquelles les personnes peuvent compter et les possibilités réelles de participer à la société soient prises en compte. Les forces individuelles regroupent trois éléments distincts : les aspirations (désirs, ambitions, espoir, rêves), les compétences (habiletés, aptitudes, connaissances, talents) et la confiance en soi (pouvoir, influence, croire en soi, efficacité) (Rapp et Goscha, 2012).
L’organisme Les Pinceaux d’Or7 est un exemple d’une niche habilitante, transposée pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Cet organisme à but non lucratif animé par des artistes peintres offre des ateliers de peinture, principalement dans les CHSLD. Cependant, depuis 2009, il a élargi son programme aux aînés demeurant à domicile pour briser l’isolement et leur permettre de se réaliser. Dans l’esprit du modèle de Rapp et Goscha, une personne ayant un trouble mental et présentant un talent de peintre est jumelée à un galeriste qui accepte d’exposer ses toiles pour, éventuellement, pouvoir en retirer un bénéfice pécuniaire. Car, dans le modèle de Rapp et Gosha, il est important que la niche soit choisie dans le milieu naturel, hors du réseau de la santé mentale, et qu’elle conduise à plus de possibilités de se réaliser, d’obtenir un travail rémunéré pour sortir de la pauvreté. Pour les personnes âgées, le but ne sera jamais d’obtenir un emploi rémunéré, mais de se réaliser, d’augmenter son estime personnelle, etc.
Figure 1 : Création de niches habilitantes
Source : Rapp, 2004 : 45
3. La méthodologie
La population à l’étude est constituée d’aînés atteints d’un trouble neurocognitif aux premiers stades de la maladie. Les participants ont été diagnostiqués par des intervenants compétents en la matière. L’échantillon compte dix participants atteints d’un trouble neurocognitif au stade débutant. Comme il s’agit d’une maladie progressive, il est indéniable que les individus ont préservé une part plus importante de leurs capacités aux premiers stades de la maladie que ceux à un stade plus avancé dont l’aptitude à s’exprimer est plus difficile. Roest et ses collaborateurs (2007) stipulent d’ailleurs que les individus atteints aux stades débutants et modérés tendent à s’exprimer davantage sur leur expérience globale plutôt que sur les besoins subjectifs et ponctuels, et qu’ils rapportent un plus grand nombre de besoins.
Dans l’optique de nous assurer un meilleur recrutement, nous avons choisi de solliciter deux ressources disponibles dans la grande région de Québec. Il a donc été décidé de procéder au recrutement en collaboration avec la Société Alzheimer de Québec ainsi qu’avec le CSSS Québec- Nord. De ce fait, chacun des participants recevait des services de la Société Alzheimer de Québec ou du centre de jour affilié au CSSS Québec-Nord.
Nous avons mené deux entrevues avec chacun des 10 participants, ce qui nous aura permis de procéder à une rencontre initiale en compagnie du duo aidant-aidé. Huit des participants étaient accompagnés d’un aidant lors de la première rencontre, ce qui porte à 18 le nombre total de participants rencontrés. Chaque participant vivait à domicile dans la région de la Capitale-Nationale (zone urbaine) et ses environs. Les entrevues, basées sur un schéma semi-structuré, se sont déroulées entre le 31 janvier et le 26 avril 2012. Nous nous sommes intéressées principalement aux habiletés et aux aptitudes des participants, en concordance avec la perspective des forces. Pratt (2002) souligne d’ailleurs que les difficultés mnémoniques des participants peuvent être contournées par des méthodes d’entrevue qui se concentrent justement sur leurs forces.
4. Présentation des résultats
Bien que nous ayons choisi d’orienter les entrevues vers les forces et les éléments positifs de l’expérience des participants, les défis engendrés par les pertes n’ont pas été mis de côté. Les résultats font ressortir des thèmes à connotation plus négative au sujet desquels les participants se sont abondamment exprimés. Cependant, ils sont demeurés foncièrement optimistes et la totalité a présenté des aspects positifs pour exprimer l’expérience de la maladie : « Moi tu sais, je suis capable de parler de [la maladie]. Ça ne me dérange pas pantoute. Il y en a qui n’aiment pas ça. […] Moi, non. [Je] me suis adapté » (Marc)8. Or, en concordance avec les discours des participants et selon la perspective centrée sur les forces, nous avons choisi de laisser la place aux forces. Ainsi, la réalisation de soi et l’accomplissement ont pris plus d’importance que la résolution de problèmes. De ce fait, les thèmes du rêve et de l’espoir ont été priorisés par rapport à la gestion du problème. Dans les prochaines lignes, nous présentons les résultats en fonction des concepts clés du modèle des forces, soit les forces individuelles et les forces du milieu.
4.1 Les forces individuelles
En raison de l’aspect évolutif de la maladie, il est compréhensible que les personnes vivant avec un trouble neurocognitif présentent moins d’aspirations. Les participants rencontrés tiennent des propos terre-à-terre qui peuvent rendre difficile la visualisation de rêves :
Ah ça, ils sont tous tombés mes rêves […] Quand j’étais plus jeune, j’avais beaucoup de rêves, mais aujourd’hui, tout ce que je souhaite, c’est d’avoir encore la santé, pis de rester près d’un [de mes] enfants au moins. (Martha)
Ces résultats portent à croire que les personnes préfèrent vivre dans l’ici et le maintenant et que la projection dans le futur est plus limitée. Cependant, le discours des participants nous mène à intégrer une nouvelle composante des forces individuelles : le désir de donner. Un désir qui ne s’efface pas avec la survenue de la maladie. Cet aspect se présente comme une force, puisqu’il s’agit d’une occasion pour le participant de demeurer actif socialement tout en contribuant à la vie de famille ou de la communauté :
Ma porte est ouverte. […] Parce que je sais qu’il y en a qui en ont pas et qui ont besoin d’argent. Ils ont de la misère à arriver. On n’est pas dans un endroit où les gens sont tous à l’aise. (Jeanne d’Arc)
Le discours des participants autour du désir de partager et de redonner nous a également permis de prendre connaissance de la position de pilier familial tenue par certains répondants. Une participante rapporte, par exemple, que la maladie qui évolue doucement n’a pas modifié son rôle d’aidante auprès de son fils atteint de schizophrénie.
Toujours selon la perspective des forces, il est proposé qu’une personne qui réussit dans sa vie utilise ses forces pour atteindre ses aspirations (Rapp et Goscha, 2012). Lors des rencontres, ce thème a été apprécié par l’entremise d’une question sur le sentiment de fierté. Les compétences n’ont donc pas été directement abordées. Plus encore, nous avons constaté que les participants partagent peu sur leurs propres réalisations. Ils préfèrent généralement s’exprimer au sujet de leurs proches ou encore sur la façon dont ils composent avec la maladie depuis son apparition, dans ses aspects positifs et négatifs.
Également, le contexte des rencontres et les objectifs de recherche n’étaient pas propices à évaluer la confiance que les participants ont en eux-mêmes. Cependant, nous avons pu constater qu’un entourage présent et disponible est un atout pour les participants dans la préservation d’une confiance en soi. A contrario, les étiquettes et stigmates associés à la maladie ont des conséquences négatives sur la création de liens sociaux, ce qui nuit également à la confiance en soi :
Parce que moi dans ma tête, je me dis : « Bon bien, le monde ne vient pas me voir ». Quand je vais les voir, c’est comme si je les dérange. Tu sais dans ma tête, c’est comme ça, comme si je les dérangeais quand j’arrive. […] Alors là, tu t’assois, mais tu jases un peu avec eux autres. Pis là un moment donné ils sont là, puis il y en a un qui tourne et regarde sur un bord et sur l’autre. En voulant dire : « Il va-tu partir »? Je le prends de même. (Marc)
4.2 Les forces du milieu
Une condition sine qua non pour que les forces individuelles soient potentialisées est de tenir compte des forces du milieu. Les possibilités offertes par la communauté se présentent comme une force, un milieu dans lequel les individus ne sont pas étiquetés (Rapp et Goscha, 2012). Comme l’expliquent ces auteurs, ce n’est pas la maladie qui limite la personne atteinte, mais plutôt l’interaction entre cette maladie et son environnement. Nous verrons ici comment les relations sociales, les ressources communautaires et la participation sociale sont des dimensions importantes qui participent à la création de niches habilitantes.
Les relations sociales et les ressources communautaires
Nos résultats montrent que les relations sociales (amis, famille élargie, conjoint) prennent une place importante dans l’expérience de la maladie, en particulier les conjoints :
Alors à deux, c’est sûr que c’est plus facile qu’une femme seule. Je vois qu’il y a des femmes qui sont seules [dans le groupe de parole de la Société Alzheimer]. […] Je trouve que je suis drôlement bien d’être accompagnée. (Évelyne).
De ce fait, la réaction du conjoint à la maladie est très significative pour les personnes atteintes. Nos résultats soulèvent également l’importance de la réorganisation de la relation de couple et des tâches au quotidien : « Ah oui, c’est vrai! Lui [son mari] cuisine maintenant. Moi, j’ai de la misère à cuisiner. Parce que moi, c’est le côté droit qui est atteint » (Marie). Les personnes vivant avec un trouble neurocognitif éprouvent aussi le désir de discuter de la maladie, d’être soutenues et acceptées dans la maladie par un soutien tantôt instrumental, comme un accompagnement aux rendez-vous médicaux, tantôt émotionnel. Ainsi, la majorité des participants ont souligné l’importance des relations sociales dans la constitution d’un réseau de soutien.
Aussi, pour qu’une niche soit habilitante, il faut que la personne soit en contact avec des ressources. Il est donc question de services tangibles, comme le transport public (Rapp et Goscha, 2012). À cet effet, les participants ont mentionné que les ressources disponibles dans la communauté favorisent le soutien à domicile. En outre, pratiquement tous les participants soulignent l’impact positif de ces ressources dans la mesure où certaines d’entre elles offrent la possibilité de côtoyer des individus vivant les mêmes défis, de partager les expériences vécues et de recevoir du soutien. Elles participent à la construction d’un réseau social et d’un réseau de soutien. Ainsi, les groupes de la Société Alzheimer de Québec et du Centre de jour du CSSS-QN sont devenus une nouvelle activité9 des participants depuis la survenue du diagnostic. Une activité qu’ils considèrent comme étant un ajout important à leur quotidien : « On est très bien avec eux autres puis j’aime ça aller là. Comme quand ils font les réunions. On parle avec du monde comme nous autres » (Gaétan). Plus tard dans la rencontre, ce même participant ajoute ceci : « Puis on raconte sa peine et sa misère. Puis ça nous stimule beaucoup. J’apprécie ça beaucoup ».
La participation sociale
La participation sociale est aussi généralement considérée comme un aspect positif par les participants. L’importance de demeurer actif et de contribuer à la société revient fréquemment dans le discours des participants. Nous distinguons les activités qui sont poursuivies à la suite de la maladie des nouvelles, ou encore de celles qui sont désirées. Tout comme le concept de résistance le sous-tend (MacQuarrie, 2005), ces activités viennent contrebalancer les effets de la maladie. La fierté (force individuelle) est nourrie par la participation sociale qui, elle, est soutenue par le milieu. Cela démontre l’interaction présente entre les différentes sphères de vie de la personne. Certains participants rappellent aussi l’importance de la flexibilité des organismes pour une participation optimale.
Une autre participante présente un exemple de participation à une activité favorisant à la fois l’implication au sein de la communauté, son épanouissement et son bien-être et qui, transposé dans le contexte d’un trouble neurocognitif, peut représenter une niche habilitante. Cette participante raconte comment la fréquentation d’un centre d’entrainement l’a aidée à faire face à ses difficultés de perception du temps. Les employés de ce centre de conditionnement physique lui ont permis de s’entrainer, en l’accompagnant dès son arrivée et en demeurant disponibles pour l’inscription aux appareils, tout en la guidant dans sa gestion du temps. Son conjoint nous explique le fonctionnement du centre d’entrainement :
Si elle fait seulement trente minutes [d’exercice], ils lui disent : « Mme retournez aux appareils! » […] Quand on l’a inscrite en novembre passé, j’ai dit que mon épouse souffrait de la maladie d’Alzheimer. […] Là, il y a juste une petite surveillance : « OK madame, allez là, je vous l’ai mis quinze minutes ». (Luc)
5. Discussion et pistes d’intervention
5.1 La perspective des forces : un angle d’analyse pertinent pour la compréhension des expériences vécues par les personnes vivant avec un trouble neurocognitif
La perspective des forces, adaptée aux spécificités des troubles neurocognitifs, c’est-à-dire au caractère dégénératif de la maladie, présuppose que les forces individuelles et celles présentes dans le milieu ne peuvent être évaluées de la même manière. En raison de l’aspect évolutif de la maladie, il faut tenir compte d’une projection plus limitée dans le futur. Il importe d’accompagner ces personnes vers des aspirations qui correspondent à leur réalité et qui leur permettent de garder espoir sans nier ce caractère dégénératif. Également, le désir de donner, identifié comme force individuelle lors de la présentation des résultats, renforce la nécessité d’éviter une vision dichotomique de la relation entre l’aidant et l’aidé. La réalité des personnes vivant avec un trouble neurocognitif est souvent plus complexe que l’on ne croit et la compréhension de l’expérience de la maladie demande une attention particulière de ces besoins et attentes qui créent l’unicité de l’adaptation à la maladie.
De même, l’importance de l’implication des proches dans la majorité des sphères de leur vie est indéniable et considérée comme une force dans le discours de tous les participants rencontrés. Par ailleurs, cette présence est très significative lorsque l’aidant ne cohabite pas avec l’aidé, d’autant plus que les personnes atteintes d’un trouble neurocognitif vivant seules demandent moins d’aide (Waugh, 2009). Cette différence présuppose qu’une attention particulière est portée aux aînés vivant seuls à la suite de l’annonce d’un diagnostic.
Nos résultats nous incitent également à suggérer d’intégrer les activités individuelles comme relevant d’une participation sociale lorsque celles-ci respectent le rythme de la personne atteinte et proposent des options qui lui permettent de se mobiliser, et ce, sans nier le caractère évolutif de la maladie. Dans le cas qui nous occupe, les niches habilitantes sont plutôt liées à des activités valorisantes et significatives pour les personnes atteintes. Ainsi, les activités, initialement solitaires, sont des occasions de favoriser le bien-être et peuvent aussi devenir des occasions d’échange.
5.2 Proposition de pistes d’intervention : pair-aidance et clinique de la mémoire
À la lumière de ces résultats, il nous apparait nécessaire de mettre en place des pistes d’intervention qui contribuent au développement de niches habilitantes adaptées à cette population.
Le discours d’un participant nous a permis de considérer la possibilité de favoriser une participation différente aux groupes de soutien qui serait davantage en concordance avec le désir d’une implication bénévole. Ainsi, la participation à des activités de groupe (groupe de discussion, sport, activité associative, etc.) permet d’être fiers et d’entretenir des relations interpersonnelles significatives. Les personnes peuvent alors créer des liens ou être valorisées par le fait de jouer un rôle au sein d’un groupe. Cela répond au besoin d’entrer en contact avec des gens. Le fait d’être actifs socialement a déjà démontré de nombreux effets positifs sur la santé des aînés en général. En ce sens, la participation sociale « offre des possibilités de donner du sens à sa vie, de développer des appartenances et d’exercer un rôle social » (Raymond et al., 2008 : V). Il s’agit dès lors de réfléchir aux possibilités permettant une participation accrue plutôt qu’une utilisation exclusive des services. Le développement d’une forme de pair-aidance pourrait dès lors répondre à cet objectif. Les pairs aidants sont actifs au Québec dans les services de santé mentale dans le but de redonner espoir à leurs pairs, entre autres (Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, 2014). Il serait possible d’envisager une adaptation du programme de pair-aidance au contexte particulier des troubles neurocognitifs, par exemple, en favorisant un travail de conseiller pour d’autres personnes recevant un tel diagnostic.
Il serait aussi intéressant de développer davantage le concept de cliniques de la mémoire. Comme le prétend le sixième grand principe de la perspective des forces : les personnes atteintes d’un trouble mental peuvent continuer à apprendre, à grandir et à évoluer (Rapp, 2004). C’est dans une optique similaire qu’a été développée la revalidation cognitive auprès de personnes atteintes d’un trouble neurocognitif. Ce concept provient du travail de réhabilitation de la mémoire, initialement réalisé auprès de personnes ayant subi des lésions cérébrales (Nomura, Makimoto, Kato et al, 2009). Le point de départ de la revalidation cognitive est la réhabilitation ou le maintien des fonctions cognitives (Nomura et al, 2009). Toutefois, les impacts visés sont nombreux : permettre aux individus d’interagir avec leur environnement ou reprendre des activités plaisantes, par exemple (Jacquemin, 2009; Mythe-Alzheimer, 2010a). L’objectif est de parvenir à l’amélioration de l’autonomie et de la qualité de vie en sollicitant les capacités préservées des participants (Jacquemin, 2009; Wojtasik et al, 2009). Tout en améliorant et en stabilisant la mémoire et l’orientation, la revalidation diminue l’apathie et optimise le fonctionnement psychologique et social de la personne (Université de Liège, 2005). Ainsi, une institutionnalisation imminente peut se voir retardée par l’amélioration du fonctionnement quotidien. Les proches sont aussi sollicités par ce programme qui a pour ambition de les aider à mieux comprendre les déficits (Wojtasik, et al, 2009). Il ne s’agit toutefois pas d’acharnement utopique en vue d’une entière autonomie impossible à atteindre (Jacquemin, 2009). On tente plutôt de parvenir à explorer les activités de la vie quotidienne ou domestique qui sont problématiques et à mettre en place des stratégies d’optimisation afin de réduire la dépendance aux autres (Wojtasik et al, 2009). Une prise en charge psychosociale structurée, intensive et spécialisée, ajoutée à la médication, ouvre à la possibilité d’apprendre ou de réapprendre certaines activités (Université de Liège, 2005; Wojtasik et al, 2009).
À notre connaissance, il existe peu d’initiatives québécoises ou canadiennes dans le domaine des interventions psychosociales telles que la revalidation cognitive. Cependant, il ne faut pas passer sous silence les initiatives comme celles de certains centres de jour qui offrent des cliniques de la mémoire. Or, nous proposons de réfléchir à des approches intégrées et plus complètes visant à soutenir spécifiquement les individus au stade débutant de la maladie en leur permettant l’accès à des projets mettant l’accent sur leurs aspirations. Il serait envisageable que les interventions préconisées soient directement liées à la vie en communauté et que les apprentissages soient, quant à eux, d’ordre social. Cette pratique se présenterait comme un projet de vie pour certains, mais aussi comme une occasion d’apprentissage et de valorisation.
CONCLUSION
Le modèle biomédical prédominant met l’accent sur les difficultés engendrées par la maladie et l’attention portée aux propos des personnes atteintes est généralement limitée. Cela présuppose l’incapacité de cette population à s’exprimer sur son expérience. Nos résultats montrent que l’expérience de la maladie mérite d’être explorée selon les perceptions de ceux qui la vivent directement. Cela ne vise pas à diminuer l’importance des propos des aidants, ni leur apport à la compréhension du quotidien dans la maladie, bien au contraire. Néanmoins, il apparait que le point de départ, pour mieux comprendre cette expérience, est d’explorer le phénomène subjectif, tout en demeurant centré sur la personne. L’attention portée au discours des personnes vivant avec un trouble neurocognitif permet d’offrir des services dans le respect de leurs besoins et attentes. En outre, afin de mieux comprendre le vécu et le sens donné à la maladie, cette recherche met en évidence la possibilité d’adapter des modèles d’analyse déjà existants tels que la perspective axée sur les forces, tout en considérant les particularités d’une maladie dégénérative.
Pour ce qui est des pistes d’intervention à développer, il serait important que les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux, en particulier les travailleurs sociaux, incluent une évaluation des forces de ces personnes dans leurs interventions (OTSTCFQ, 2011). De plus, ils devraient agir en tant que catalyseurs d’un changement, c’est-à-dire identifier des partenaires, dans la communauté, disposés à intégrer les personnes dans une niche habilitante (Rapp et Goscha, 2012). Il serait alors possible d’encourager un cheminement axé sur les capacités résiduelles. Rappelons qu’être actif dans le quotidien ainsi que dans les processus décisionnels peut permettre de retarder l’institutionnalisation. Il est primordial de tenir compte de l’opinion des personnes lors de rencontres professionnelles, car nous croyons, à la lumière de nos résultats, que les intervenants bénéficieraient grandement de la présence du principal intéressé lors de ces rencontres. Cela augmenterait les chances de réussite des plans d’interventions. À cet effet, il importe de ne pas tenir pour acquise l’inaptitude des personnes atteintes et de ne pas occulter leurs aptitudes, lesquelles méritent d’être considérées par les professionnels de notre réseau. L’importance des liens sociaux montre, par ailleurs, que nous devrions réfléchir à la place prise par les travailleurs sociaux dans l’expérience de cette maladie.
Évidemment, il convient de faire preuve de transparence en mettant de l’avant les principales limites de cette recherche. En ce sens, rapportons l’échantillon sélectif d’individus ayant reçu un diagnostic de trouble neurocognitif. Il est possible que l’expérience de la maladie soit différente pour ceux vivant avec la maladie, mais dont le diagnostic n’est pas émis. De ce fait, ils n’ont pas la possibilité de recevoir les mêmes services, mais ne souffrent par contre pas des mêmes stigmates. N’oublions pas que l’échantillon ne présente que des personnes ayant un bon fonctionnement social et relativement peu atteintes. Dans cette optique, il est probable que ceux qui ont accepté de participer à cette recherche étaient plus en mesure de s’exprimer sur leur expérience en raison de leurs aptitudes. Rappelons que l’évolution de la maladie limite les compétences de communication ou même, simplement le désir de communiquer. Dès lors, il est aussi possible qu’un individu atteint à un stade débutant et ayant choisi de participer à la recherche partage son expérience de façon limitée. Les propres choix des auteures sont aussi à prendre en considération. Effectivement, l’intérêt de mettre en avant la perspective centrée sur les forces peut avoir pour conséquence d’orienter l’analyse des résultats vers les éléments plus positifs du discours des participants. Néanmoins, des aspects plus problématiques et plus difficiles de la maladie ont tout de même fait surface lors des rencontres et ont été considérés lors de la présentation des résultats.
ABSTRACT:
Some 35 million persons worldwide suffer from neurocognitive disorders (Alzheimer’s Disease International, 2013). To better understand the realities of people suffering from this disease, researchers tend to look to their caregivers or nursing professionals, by-passing the people who actually have the disease. While the disease’s progression does alter the experience, impact and symptoms, the fact remains that it can sometimes advance slowly. Consequently, the vulnerability generated by the disease should not overshadow the abilities that these individuals still possess. This article presents the results of research on how people living with the disease perceive their illness. Their abilities and the way in which they see themselves, despite losses brought about by the disease, are showcased in light of their strengths.
KEY WORDS:
Approach centred on strengths, seniors, neurocognitive disorder (Alzheimer’s Disease), home, needs, experience
Notes
- Cet article est tiré du mémoire de maîtrise de Karelle Bouchard (2014) Les perceptions d’aînés atteints d’un trouble neurocognitif dégénératif et vivant à domicile : regard sur leur expérience selon une perspective centrée sur les forces, École de service social, Université Laval. Madame Bouchard est également récipiendaire d’une bourse
- Malgré l’utilisation du terme au masculin, il importe de mentionner la surreprésentation de femmes, souvent des conjointes, parfois elles-mêmes âgées et vulnérables, qui assument la responsabilité du soin au proche malade (Arcand et Hébert, 2007).
- La notion du « fardeau » de l’aidant est répandue dans les écrits scientifiques. Toutefois, plusieurs études stipulent que l’aidant influence lui-même « sa perception du fardeau » (Salmon, Wojjtasik, Lekeu et al, 2009 :
10). De plus, nous sommes d’avis que cette notion plutôt péjorative présente les aidés comme un poids. - Notons que l’Alzheimer est le trouble neurocognitif le plus répandu (50 à 70 % des cas), devant les troubles neurocognitifs vasculaires, les dégénérescences fronto-temporales, la maladie à corps de Lewy et la maladie de Creutzfeldt-Jakob (Société Alzheimer du Canada, 2004).
- Dans la politique québécoise Vieillir et vivre ensemble (ministère de la Famille et des Aînés, 2012), on souligne que 96,3 % de la population âgée demeure à domicile, dont 87,6 % dans un domicile qualifié de conventionnel et 8,7 % dans une résidence privée avec services. Ces données excluent les centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).
- La situation vécue par les personnes aux prises avec un trouble mental peut tout à fait se transposer à celle des personnes âgées vivant avec un trouble neurocognitif. Ainsi, ces six grands principes peuvent très bien faire l’objet d’une approche et d’une perspective d’analyse visant les personnes vivant avec un trouble neurocognitif.
- http://lespinceauxdor.org/index.php/mission/les-objectifs.html
- Les prénoms des participants sont fictifs.
- Pour certains, la poursuite des activités signifie aussi la poursuite d’une vie normale. Les nouvelles activités ont, quant à elles, une valeur particulière, ayant été intégrées au quotidien des participants à la suite de la survenue du diagnostic.
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