Numéro 142

Présentation

Le travail social et la thérapie conjugale et familiale sont, sans conteste, des professions qui se démarquent dans l’univers de la santé et des services sociaux par leur grande diversité d’expertises, la variété de leurs lieux d’intervention et de leurs champs de pratique ainsi que par leurs différentes approches d’intervention. Par conséquent, les enjeux entourant la pratique sont nombreux et pluriels. Il en découle une richesse et un rayonnement dans le domaine de la recherche et de l’intervention. En invitant les auteurs à soumettre des articles hors thématique, le comité éditorial de la revue a voulu permettre aux praticiens, étudiants et chercheurs d’exprimer ce foisonnement des savoirs et des expériences où chaque texte ajoute une couleur différente pour créer cette mosaïque que nous vous invitons à découvrir au fil des pages.

Pour commencer ce numéro, Annie Pullen Sansfaçon et Alice Gérard-Tétreault s’intéressent aux enjeux et aux défis liés à la maîtrise de la langue française pour des travailleuses sociales francophones ou allophones formées hors Québec et ayant immigré à Montréal. Ainsi, l’article intitulé Langage et adaptation professionnelle de travailleuses sociales immigrantes au Québec nous rappelle, à juste titre, que même en parlant la même langue, nous sommes tous, un jour ou l’autre dans notre pratique, confrontés à la subtilité du langage et aux différents sens des mots en intervention.

Dans un deuxième temps, Sébastien Carrier, Annie Lambert, Suzanne Garon, Paul Morin, Andrée-Anne Gagné et Pierre-Luc Bossé proposent un article intitulé Évaluer les effets que produisent les services sociaux dans la vie des personnes usagères : proposition d’un cadre d’analyse. Dans le contexte actuel où la Loi 10 vient chambouler l’organisation et la prestation des services, ce texte présente un question- nement sur le choix et le contrôle dans l’offre de services chez les usagers et leurs proches. Inspirés par les approches centrées sur les effets, développées en Écosse, les auteurs suggèrent un cadre d’analyse favorisant la réflexion en vue de l’adoption d’un changement de culture au sein des services de santé et des services sociaux au Québec.

Les deux prochains articles ont pour point de jonction la question des impacts du sous- financement des organismes communautaires sur leur capacité à offrir des services essentiels répondant aux besoins des populations vulnérables. L’article, A case for more proximity Services in Mental Health, traite du financement des services en santé mentale et évalue la contribution des organismes communautaires dans ce secteur pour la grande région de Montréal. Les auteurs, Kristine Vitez, Alima Alibhay, Alain Lesage et Lise Lamothe font valoir une argumentation qui milite en faveur d’une augmentation du financement des services de proximité dispensés, la plupart du temps, par les organismes communautaires. Dans le texte Le lien d’abord : les pratiques de « post-hébergement » dans les Auberges du Cœur, Elisabeth Greissler, Marc St-Louis et Isabelle Gendreau présentent les principales conditions de réussite pour l’accompagnement post-hébergement des jeunes en difficulté. Ils soulignent toute l’importance de maintenir le financement de ces pratiques pour prévenir l’exclusion sociale de ces jeunes.

L’article suivant, Les retombées de l’intervention en situation de crise, de tragédie ou de sinistre sur la vie professionnelle et personnelle des intervenants sociaux des CSSS du Québec retiendra certainement l’attention des travailleurs sociaux impliqués dans ce types d’intervention et se questionnant sur les répercussions de leurs interventions dans les sphères privée et professionnelle. Fait encourageant, les auteurs, Danielle Maltais, Vanessa Bolduc, Véronique Gauthier et Simon Gauthier font ressortir que les intervenants vivant des phénomènes de résilience vicariante et de satisfaction de compassion sont plus nombreux que ceux qui doivent faire face au stress post-traumatique et à la fatigue de compassion.

La venue au monde d’un enfant demande aux parents de s’adapter rapidement à une nouvelle réalité. Or, la naissance d’un enfant intersexué présente des défis majeurs pour les parents qui doivent faire face à une vision pathologisante de leur enfant par le corps médical. Les auteurs, André Wilcox, Isabel Côté et Geneviève Pagé, mettent en lumière que, sous le prétexte de favoriser la création du lien d’attachement du parent à l’enfant, des interventions médicales irréversibles sont pratiquées afin de normaliser le corps de l’enfant. Cependant, les auteurs soulignent avec justesse que c’est aux parents de s’adapter à l’enfant, et non l’inverse, afin de favoriser le développement de l’attachement. Le texte L’enfant intersexué : dysphorie entre le modèle médical et l’intérêt supérieur de l’enfant propose donc une réflexion critique autour des pratiques sociales en alternative aux interventions du système médical.

Le texte suivant, Composer avec un trouble neurocognitif pour des aînés vivant à domicile : un regard sur leur expérience de Karelle Bouchard, Myreille St-Onge et Andrée Sévigny, sensibilise le lecteur à l’approche centrée sur les forces comme levier de valorisation des aptitudes présentes chez la personne atteinte d’un trouble neurocognitif malgré les pertes engendrées par l’apparition de ce trouble.

Dans Methodological constructs of tracking and retaining mobile participants, Robin Wright, Giovani Burgos, Amanda Krygsman et Jaclyn Brown explorent les modalités traditionnelles de rétention des participants dans les études longitudinales et proposent des stratégies nouvelles pour favoriser leur engagement à long terme.

Dans la rubrique récit de pratique figure le texte de Stéphane Grenier, Laurence Hamel- Charest, Suzanne McMurphy et Brent Angell intitulé « Prendre la route » avec les Autochtones pour des habitudes sécuritaires : une démarche collaborative entre travailleurs sociaux et communauté autochtone. Les auteurs décrivent les différentes étapes d’un projet d’intervention collective visant la prévention routière menée avec les membres de la communauté anishnabe de Lac Simon. Une attention est portée au rôle que jouent les travailleurs sociaux dans ce contexte.

Finalement, le texte de Mario Trépanier La place des hommes dans la politique québécoise en matière de violence conjugale : pour une reconnaissance de la diversité des contextes et des perspectives questionne la pertinence de la Politique québécoise en matière de violence conjugale (1995) en regard des nouvelles connaissances et sensibilités qui, depuis déjà quelques années, suggèrent une redéfinition des enjeux en matière de violence conjugale.

Bonne lecture et surtout bonne réflexion!

Pour le comité éditorial
Isabelle Bouchard