RÉSUMÉ :
Cet article porte sur les hommes à faible revenu et leur rapport aux services ainsi que sur les barrières à la demande de services chez ce groupe d’hommes. Les résultats d’un récent sondage effectué auprès d’un échantillon représentatif de 2 084 hommes répartis dans les différentes régions du Québec (Tremblay et al., 2015) servent de matériel de base. Selon les résultats, les hommes à faible revenu épousent, pour l’essentiel, les mêmes tendances générales que les autres hommes dans leur rapport aux services. Cependant, certains traits spécifiques caractérisant ce groupe d’hommes sont mis en évidence. L’appartenance à des cultures populaires et un type de socialisation masculine plus traditionnelle comptent parmi les facteurs expliquant un moindre recours à l’aide et aux services. Enfin, la gratuité des services serait un enjeu plus important pour eux. L’intérêt principal des résultats pour l’intervention repose sur l’identification des barrières les plus significatives à l’aide et aux services chez les hommes à faible revenu.
MOTS-CLÉS :
Hommes, faible revenu, rapport aux services, barrières à la demande de services
INTRODUCTION
Cet article porte sur les hommes à faible revenu et les liens entretenus avec les services sociaux et de santé. L’intérêt de ce sujet repose sur quatre aspects. D’abord, il existe peu d’études sur les hommes en situation de pauvreté au Québec (Desgagnés, 2015; Dupéré, 2011). Deuxièmement, on constate que le système de santé peut contribuer à l’exclusion et aux inégalités sociales de santé (Malterud, 2010). Troisièmement, il existe un écart entre les personnes à faible revenu et celles à revenu élevé quant aux besoins non comblés (plus élevés chez le premier groupe) relativement aux services de médecins de famille (Dubé-Linteau, Pineault, Lévesque et al., 2013) et de services sociaux (Cazale, Poirier et Tremblay, 2013). Enfin, l’analyse du rapport existant entre les hommes à faible revenu et les services de santé et les services sociaux permet d’alimenter la réflexion sur les stratégies et les pistes d’intervention à développer pour améliorer la santé des hommes et contribuer à la diminution des inégalités sociales de santé.
L’objectif de cet article est de documenter les perceptions qu’ont, en général, les hommes à faible revenu en relation avec l’aide et les services offerts en cas de problèmes, ainsi que les principales barrières perçues qui se posent à la demande de services. À cette fin, l’article se réfère aux résultats d’un récent sondage effectué auprès d’un échantillon représentatif de 2 084 hommes répartis dans les différentes régions du Québec (Tremblay, Roy, Montigny et al., 2015) comme matériel de base. Ce sondage s’inscrit dans un programme de recherches échelonné sur trois ans portant sur les perceptions qu’ont les hommes québécois quant à leurs besoins d’ordre psychosocial et de santé ainsi qu’à leur rapport aux services.
L’article comprend quatre parties. La première rend compte de la problématique en explorant les écrits sur la question. La deuxième expose la méthodologie suivie, tandis que la troisième présente les principaux résultats du sondage. Enfin, la dernière partie propose une discussion sur les résultats qui offre, entre autres, quelques clés pour mieux comprendre le phénomène de distanciation des hommes à faible revenu à l’égard des services.
1. Problématique
La présentation d’écrits sur les hommes à faible revenu met en évidence trois constats. Premièrement, certains groupes d’hommes sont plus vulnérables à la pauvreté. Deuxièmement, le taux de consultation des services est moindre chez les hommes en situation de pauvreté. Enfin, certains traits spécifiques à ce groupe d’hommes représentent des obstacles à leur recours à l’aide et aux services. Ces deux derniers aspects se trouvent au cœur de la réflexion engagée par l’article.
1.1 Vulnérabilité de certains groupes d’hommes à la pauvreté
Selon le Centre d’études sur la pauvreté et l’exclusion (2014), en 2011, le taux de faible revenu chez les hommes (10,6 %) était relativement semblable à celui des femmes au Québec (10,8 %). Par ailleurs, au cours de la période 1980-2003, le nombre d’hommes seuls de moins de 65 ans considérés comme très pauvres a quadruplé (Desgagnés, 2015). D’autres groupes d’hommes sont également plus vulnérables à la pauvreté : les hommes ayant été en chômage une partie de l’année et inactifs le reste du temps (Boccanfuso, 2013), les hommes vivant seuls (Centre d’études sur la pauvreté et l’exclusion, 2014) et les jeunes hommes de moins de 25 ans (MSSS, 2011). Notons que chez les jeunes adultes de 18 à 24 ans, le fossé entre les jeunes hommes et les jeunes femmes s’élargit progressivement, les premiers enregistrant désormais des revenus inférieurs par rapport à ceux du groupe des jeunes femmes du même âge alors que, pour tous les autres groupes d’âge, c’est l’inverse (Duclos, 2013).
1.2 Sous-consultation des services chez les hommes en situation de pauvreté
Peu de recherches ont examiné les liens entre masculinité, expériences de pauvreté, besoin d’aide et recours aux services (Dupéré, 2011; Galdas, Cheater et Marshall, 2005; Ruxton, 2002; Strier, 2005) afin de mieux comprendre les inégalités de santé entre les hommes riches et les hommes pauvres. Toutefois, il existe un bon nombre d’écrits scientifiques et d’études populationnelles québécoises mettant en évidence le phénomène de sous-consultation des hommes, en général, comparativement aux femmes, en ce qui a trait aux services sociaux et de santé (Cazale, Poirier et Tremblay, 2013; Dulac, 1999, 2001; Lajeunesse, Houle, Rondeau et al., 2013; Lecours, Pomey et Tremblay, 2013; MSSS, 2011). Globalement, c’est chez les adolescents et les adultes que l’écart entre les hommes et les femmes sur le plan de la fréquentation des services est le plus prononcé (Roy, Cazale, Tremblay et al., 2015). Un scénario analogue existe quant à la reconnaissance de besoins en matière de services : tant pour des services sociaux que de santé, les hommes ont moins tendance que les femmes à rapporter avoir besoin de services (Cazale, Poirier et Tremblay, 2013; Dubé-Linteau, Pineault, Lévesque et al., 2013; Fournier, Dubé, Cazale, et al., 2013; MSSS, 2011).
Les personnes en situation de pauvreté formeraient la catégorie d’usagers la moins bien desservie sur le plan des services de santé; elles bénéficient en moindre proportion des soins d’un médecin de famille et déclarent plus souvent avoir eu des besoins de soins de santé non comblés en comparaison avec les personnes mieux nanties (Dubé-Linteau, Pineault, Lévesque et al., 2013; Hutchison, 2007; Mercer et Watt, 2007). Entre autres, selon l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (2011), les Montréalais de milieux défavorisés connaîtraient des expériences moins favorables sur le plan de l’accessibilité aux services et de la continuité des soins que les personnes plus favorisées économiquement. De nombreux obstacles financiers, géographiques, culturels et sociaux entravant l’accès aux services ont été documentés (Loignon, Hudon, Goulet et al., 2015; Stewart, Reutter, Makwarimba et al., 2005; Williamson, Stewart, Hayward et al., 2006). Ces obstacles sont liés à la fois aux structures et à l’organisation des services, aux personnes et à leur contexte de vie difficile ainsi qu’aux rapports qui s’établissent entre eux (Roy, Morin, Lemétayer et al., 2006).
1.3 Obstacles au recours à l’aide et aux services
Certaines études ont montré que, lorsque les personnes en situation de pauvreté consultent, elles n’obtiennent pas nécessairement une aide répondant à leurs besoins (Dupéré, 2011). Plusieurs études qualitatives ont fait ressortir qu’elles vivent des expériences négatives en ce qui a trait aux services de santé et services sociaux : elles se sentent incomprises, méprisées, jugées, stigmatisées et dévalorisées (Dupéré, O’Neill, De Koninck, 2012; Loignon, Hudon, Goulet et al., 2015; Ocean, 2005; Stewart, Reutter, Makwarimba et al., 2005). Cette réalité amène certains auteurs à affirmer que les services sociaux et de santé pourraient, dans certains cas, aggraver les situations vécues par les personnes vivant en contexte de pauvreté et contribueraient ainsi à renforcer les iniquités de santé (Reid, 2004). Des services sociaux et de santé inadéquats pourraient, par exemple, allonger les périodes d’incapacité de ces personnes et ainsi contribuer à les maintenir en situation de pauvreté (Dupéré, 2011; Malenfant, Lévesque, Jetté et al., 2004). Ces expériences négatives expliqueraient également en grande partie les cas de non-recours aux services observés chez les personnes en situation de pauvreté (Canvin, Jones, Marttila, et al., 2007; Dupéré, O’Neill, De Koninck, 2012; Rode, 2005), tout particulièrement chez les hommes vivant dans cette condition (Dupéré, O’Neill, De Koninck, 2012). En effet, ces personnes hésiteraient à recourir aux services qu’elles percevraient comme étant de piètre qualité, inefficaces ou hostiles envers elles (Dixon-Woods, Kirk, Agarwal et al. 2005).
En ce qui concerne les écrits portant plus spécifiquement sur les hommes en situation de pauvreté, l’étude de Dupéré, O’Neill et De Koninck (2012) met en évidence le fait que plusieurs hommes rencontrés ont expliqué avoir évité de recourir aux services malgré leurs besoins, en raison d’expériences passées négatives au cours desquelles ils se sont sentis jugés, méprisés et stigmatisés par des professionnels en lien notamment avec leur statut de « pauvres ». Le simple fait d’être un homme bénéficiaire de l’aide sociale et de ne pas être inséré dans le marché officiel de l’emploi (« avoir une vraie job ») véhiculerait, selon eux, une connotation très négative dans la société québécoise et déclencherait des regards méprisants et du rejet de la part de certains intervenants du milieu de la santé. De plus, la pauvreté étant une situation socialement perçue comme défavorable, voire honteuse, certains hommes ont expliqué vouloir s’en distancier. Ils rejettent ainsi l’étiquette de « pauvre » qui leur est attribuée malgré leur situation économique précaire et évitent certaines ressources perçues comme étant dévalorisantes ( par exemple la soupe populaire). Ils agissent de la sorte pour ne pas y être étiquetés comme pauvres, et leurs propos révèlent une ferme volonté de ne pas être assimilés aux « clientèles » qui les fréquentent.
Ces hommes ne veulent pas se définir ainsi, et ce, malgré leur situation économique difficile. Que ce soit par orgueil ou parce qu’ils veulent préserver leur image d’hommes forts, ils reconnaissent difficilement leur situation de vulnérabilité et sont réticents à demander de l’aide, à consulter des ressources d’aide et à avoir recours aux services d’un professionnel de la santé.
Chez d’autres hommes, on constate plutôt qu’ils intériorisent les stéréotypes négatifs qui peuvent exister envers les personnes en situation de pauvreté. Ils se sentent marginalisés, isolés, stigmatisés et inférieurs (Dupéré, 2011; Dupéré, De Koninck, O’Neill, 2011). Ces perceptions peuvent conditionner le rapport aux services, y compris en favorisant une certaine méfiance à l’endroit des intervenants. En outre, certaines souffrances vécues par des hommes en situation de pauvreté, découlant de l’exclusion sociale et de la perte d’autonomie, peuvent être qualifiées « d’invisibles » et de « non reconnues » par le système de services (Dupéré, 2011), ce qui a pour effet de creuser davantage le fossé entre ces hommes et les services.
Enfin, chez une bonne partie des hommes en situation de pauvreté, les représentations de la masculinité jouent un rôle, surtout négatif, dans leur rapport aux services sociaux et de santé (Turchetto, 2012). En effet, les hommes rencontrés dans l’étude de Dupéré (2011) expliquent que la demande d’aide va directement à l’encontre des apprentissages des rôles masculins traditionnels en vigueur dans la société québécoise; ils sont donc réticents à demander de l’aide et ne le font que lorsqu’ils y sont obligés. Plusieurs d’entre eux cherchent à se débrouiller seuls et refusent de se montrer faibles (Dupéré, 2011).
Plusieurs travaux (Bizot et Dessureault-Pelletier, 2013; Brooks, 1998; Courtenay, 2011; Dulac, 1999, 2001; Dupéré, 2011; Genest Dufault, 2013; Houle, 2005; Houle, Poulin et Codaire, 2006) mettent en évidence le rôle de la socialisation masculine comme facteur explicatif d’un recours moindre aux services sociaux et de santé observé chez les hommes en général. Selon ces auteurs, la socialisation masculine traditionnelle valorise l’indépendance et stigmatise les comportements d’aide. Elle serait un motif de non-recours aux services sociaux et de santé chez plusieurs hommes en situation de pauvreté (Dupéré, O’Neill et De Koninck, 2012).
2. Méthodologie
À l’été 2014, un sondage en ligne a été réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 2084 hommes, francophones et anglophones, répartis dans les différentes régions du Québec, avec la collaboration de la firme de sondages SOM. L’échantillon a été tiré du panel Or de SOM. Le panel Or est constitué d’internautes adultes recrutés de manière aléatoire par téléphone et qui correspondent au profil de la population cible, soit des hommes québécois âgés de 18 ans et plus. Des pondérations ont été effectuées afin d’ajuster la représentativité de l’échantillon à la population masculine québécoise2.
Un peu plus du tiers des hommes contactés (35,3 %) ont répondu au sondage. La taille de l’échantillon3 (2084 répondants) et les pondérations appliquées sur l’échantillon pour le rendre représentatif (selon les caractéristiques démographiques et socioéconomiques de la population masculine au Québec enregistrées dans les données publiques) offrent des garanties de représentativité des hommes québécois de 18 ans et plus.
Le questionnaire a été conçu par l’équipe de recherche à partir de plusieurs instruments standardisés et adaptés au contexte québécois, puis révisé, traduit en anglais (afin de le rendre également accessible aux anglophones québécois) et programmé par SOM. Les questions sur les valeurs sont inspirées des travaux réalisés auprès des jeunes québécois par Pronovost et Royer (2004). Le questionnaire intègre la version brève validée par Wester, Vogel, O’Neil et al. (2012) de la Gender Role Conflict Scale élaborée par O’Neil, Helms, Gable et al. (1986), un questionnaire traduit et validé en français par Houle (2005) et Tremblay, Morin, Desbiens et al. (2007). Cet instrument comprend quatre sous-échelles : la restriction des émotions, le conflit entre le travail et la famille, l’accent mis sur la compétition, le succès et le pouvoir et enfin l’inconfort dans le partage sur sa vie personnelle avec d’autres hommes. Les questions sur le partage des tâches au sein du couple sont inspirées de l’enquête IMAGES (Barker, Contreras, Heilman et al., 2011) et adaptées au contexte québécois. Le questionnaire intègre également une sélection de questions de la Barriers of Help Seeking Scale (Mansfield, Addis et Courtenay, 2005), dont certaines reformulations ont été tirées de l’enquête de Ma et Chi (2005).
Différentes analyses statistiques ont été effectuées (Khi carré, analyse factorielle, analyses bivariées, régressions multiples). Le Khi carré a régulièrement été utilisé pour déterminer le degré d’association entre certaines variables. L’âge, le type de ménage, la scolarité, le revenu et la provenance géographique sont les principales catégories utilisées dans les analyses statistiques pour le traitement en analyse bivariée. En complément aux analyses bivariées, des analyses de régression ont été effectuées sur les mêmes catégories d’information que les analyses bivariées, avec un traitement plus spécifique pour les résultats concernant les variables relatives à l’Échelle de conflits de rôles de genre (O’Neil, Helms, Gable et al., 1986) et pour les énoncés sur les valeurs. Pour ces deux catégories de variables, des analyses prédictives ont été réalisées en lien avec les variables portant sur le rapport aux services. Enfin, une analyse factorielle a été appliquée sur des énoncés de valeurs afin de regrouper ceux-ci en quatre grandes catégories.
Aux fins de cet article, les résultats rapportés concernent le groupe de répondants gagnant moins de 20 000 $ par année, soit 17,1 % de l’ensemble des répondants. Cette base de revenu a été retenue pour qualifier les hommes à faible revenu. Il s’agit d’un montant généralement inférieur aux seuils de faible revenu de Statistique Canada pour une personne avant impôts, tout particulièrement en milieu urbain. Cependant, étant donné que nous ne disposons pas d’informations sur le revenu des ménages, nous ne pouvons d’une manière systématique considérer que la situation des répondants gagnant moins de 20 000 $ annuellement les assimile de facto aux personnes vivant en-dessous des seuils de faible revenu de Statistique Canada. Il s’agit là d’une limite de l’enquête. Parfois, les résultats ont permis de comparer l’ensemble des catégories de revenus selon les échelles de revenus retenues (par exemple, de 20 000 $ à 39 999 $); les expressions « hommes à faible revenu » ou encore « ceux gagnant moins de 20 000 $ par année » sont utilisées par comparaison avec les autres, ce qui permet d’obtenir un portrait global selon une échelle de revenus.
3. Principaux résultats
3.1 Profil des répondants
Comparativement à l’ensemble des répondants du sondage, l’échantillon d’hommes gagnant moins de 20 000 $ (N = 175) présente un profil qui s’assimile davantage à un échantillon plus jeune. C’est ainsi que l’on compte davantage, en proportion, de répondants âgés de 18 à 24 ans (46,9 % contre 11,3 % pour l’ensemble des répondants), d’étudiants (43,1 % contre 8,3 %), de célibataires (68,1 % contre 27,5 %) et de colocataires (33,3 % contre 8,0 %). À l’inverse, les répondants gagnant moins de 20 000 $ annuellement sont, en proportion, moins nombreux à être mariés (10,0 % contre 36,3 %) et à travailler à temps plein (16,6 % contre 58,0 %). Sur le plan de l’interprétation des résultats, il faut tenir compte du fait que le groupe d’hommes à faible revenu présente des caractéristiques associées aux hommes plus jeunes.
3.2 Perceptions reliées au recours à l’aide et aux services
Les hommes avaient à se prononcer sur une série d’énoncés visant à mieux connaître leur opinion sur des situations reliées au recours à l’aide et aux services. Le tableau qui suit reproduit les résultats pour chacun des énoncés proposés aux hommes.
Tableau 1 :
Importance relative de différents énoncés portant sur des situations reliées au recours à l’aide et aux services, selon les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année et les autres4
De diverses manières, les hommes ont exprimé des réserves certaines quant au fait de recevoir de l’aide en cas de problème. Entre autres, lorsqu’il se présente un problème, neuf répondants sur 10 (90,0 %) tentent de le résoudre seuls et six sur 10 (62,8 %) hésitent à recourir à de l’aide même si cela permettrait de résoudre les problèmes plus facilement.
Les hommes gagnant moins de 20 000 $ présentent globalement un portrait similaire à celui des autres, hormis quelques différences qui méritent d’être soulignées. En proportion, ils sont en effet plus nombreux que les autres à préférer garder leurs problèmes pour eux; il en est ainsi également pour les hommes moins scolarisés. Les hommes à faible revenu rapportent davantage être affectés sur le plan de leur fierté lorsqu’ils sont obligés de demander de l’aide. Enfin, les répondants à faible revenu rapportent davantage être moins à l’aise de consulter un professionnel en intervention psychosociale. Ajoutons que les répondants à faible revenu (voir figure 1) et ceux moins scolarisés sont plus hésitants à demander de l’aide même s’ils savent que cela pourrait résoudre leurs problèmes. Il semble que cette attitude pourrait découler en partie d’une masculinité plus traditionnelle. De fait, les résultats du sondage révèlent qu’en ce qui a trait aux rôles sociaux, ces deux groupes présenteraient des conceptions plus traditionnelles selon certains indicateurs retenus.
Dans ce premier portrait des hommes à faible revenu, on constate que même s’ils épousent globalement les mêmes tendances que les autres hommes quant aux attitudes envers le recours à l’aide et aux services, ils expriment plus de réticence par rapport à un tel recours.
Figure 1 :
Répondants qui hésitent à demander de l’aide selon le revenu6
3.3 Ressources utilisées lors de problèmes personnels et émotionnels
En cas de problème personnel ou émotionnel, le conjoint ou la conjointe apparaît comme la première ressource d’aide à consulter (voir le tableau 2).
Tableau 2 :
Types de ressources qui seraient utilisées en cas de problème personnel ou émotionnel, selon les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année et les autres7
En outre, le revenu des répondants offre des clivages intéressants. C’est ainsi que les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année ont rapporté avoir moins tendance à recourir à leur conjoint ou conjointe ou à d’autres membres de la famille quand vient le temps de demander de l’aide en cas de problème personnel ou émotionnel. Cela ne change pas le fait que le conjoint ou la conjointe demeure malgré tout la première ressource qu’ils consultent, tel que rapporté au tableau 2. Également, ils envisagent moins que les autres répondants gagnant 20 000 $ et plus de demander de l’aide ou des conseils à un médecin de famille dans un tel contexte. À cet égard, il importe cependant de rappeler que l’échantillon des hommes gagnant moins de 20 000 $ est plus jeune que l’ensemble des répondants, ce qui peut expliquer en partie un plus faible recours au médecin de famille. De fait, dans le sondage, les plus jeunes répondants sont moins nombreux, en proportion, à rapporter avoir un médecin de famille et à avoir consulté un médecin au cours des trois derniers mois.
3.4 Consultations de services de santé et psychosociaux
Concernant les types de ressources professionnelles consultées ainsi que la fréquence des consultations (médicales, auprès d’autres professionnels de la santé et psychosociales), on constate des différences entre les hommes à faible revenu et les autres. Ainsi, si 71,8 % des répondants rapportent avoir un médecin de famille, la proportion est de 58,2 % chez ceux gagnant moins de 20 000 $10.
La fréquence des consultations varie également selon certains types de consultation. Ainsi, presque aucun répondant à faible revenu rapporte n’avoir jamais consulté un médecin (0,7 %) et peu affirment avoir consulté un autre professionnel de santé (10,4 %), alors que plus de quatre répondants à faible revenu sur 10 (42,3 %) indiquent n’avoir jamais consulté un intervenant psychosocial (voir tableau 3).
Tableau 3 :
Fréquence de consultation (auprès d’un médecin, d’un autre spécialiste de la santé ou d’une aide en intervention psychosociale) des répondants gagnant moins de 20 000 $ par année11
Les répondants à faible revenu et moins scolarisés sont ceux qui mentionnent le moins souvent avoir récemment consulté un professionnel de la santé autre qu’un médecin12.
3.5 Critères dans le choix d’une ressource d’aide
Le fait de se sentir écouté et pris au sérieux, le climat de confiance, le professionnalisme et la confidentialité sont les critères les plus importants pour les répondants dans le choix d’une ressource d’aide (voir le tableau 4). Six hommes sur 10 ont qualifié ces critères de très importants.
Tableau 4 :
Importance relative de différents critères chez les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année et les autres pour déterminer le choix d’une ressource à consulter13
Bon nombre d’études font état de l’importance de la confidentialité, du non-jugement, de l’écoute et du respect des intervenants ainsi que du professionnalisme et du caractère chaleureux de l’accueil parmi les aspects recherchés par les hommes dans leur rapport aux services (Bizot, Viens et Moisan, 2013; de Montigny, Devault, Miron et al., 2007; Dupéré, 2011; Genest Dufault, 2013; Houle, 2005; Lajeunesse, Houle, Rondeau et al., 2013; Marois, 2010; Tremblay, Turcotte, Marois et al., 2010). En ce sens, les résultats du sondage recoupent ceux de ces études.
Selon le revenu, des différences significatives sont observées sur certains critères. En premier lieu, la gratuité ou le faible coût des services est un critère jugé plus important chez les répondants à faible revenu14. En deuxième lieu, les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année accordent moins d’importance à la disponibilité de soir ou de fin de semaine des services ainsi qu’aux délais d’attente15.
3.6 Barrières à la demande de services
Différents énoncés, tirés pour la plupart de la BarriersofHelpSeekingScale(Mansfield, Addis et Courtenay, 2005), ont été proposés aux répondants pour mieux connaître les barrières qui se présentent à eux lorsque vient le temps de consulter pour un problème d’ordre personnel ou émotionnel. Les deux barrières exprimées par la plus grande proportion de répondants se rapportent au fait que les hommes n’aimeraient pas se sentir contrôlés par les autres (94,1 %) et qu’ils préfèrent régler leurs problèmes par eux-mêmes (82,4 %) (voir le tableau 5). En outre, plus d’un homme sur trois (39,0 %) rapporte n’avoir aucune idée de l’aide qui pourrait lui être apportée et plus du tiers des hommes (35,6 %) ne croient pas que les services pourraient leur apporter quelque chose d’aidant.
Tableau 5 :
Barrières à la demande d’aide lorsqu’un problème personnel se fait sentir chez les répondants gagnant moins de 20 000 $ par année et les autres16
Les hommes à faible revenu sont, en proportion, plus nombreux que les autres à garder leur vie privée pour eux-mêmes et à n’avoir aucune idée de l’aide disponible17. Ces deux caractéristiques se retrouvent aussi chez les hommes moins scolarisés.
3.7 En synthèse
L’analyse des barrières à la demande de services, conjuguée à celle portant sur le rapport à l’aide et aux services, permettent de dégager une vue d’ensemble situant les hommes à faible revenu par rapport aux autres hommes et faisant ressortir certaines pistes et stratégies d’intervention susceptible de mieux les rejoindre.
En synthèse, le prochain tableau issu d’une analyse de régression logistique permet d’établir un portrait global des répondants gagnant moins de 20 000 $ sur la base de ce qui les distingue des autres répondants du sondage.
Tableau 6 :
Comparaison entre les répondants gagnant moins de 20 000 $ et les autres18

Deux constats principaux émergent d’une première lecture du tableau 6. Premièrement, il existe une parenté certaine entre le profil des répondants gagnant moins de 20 000 $ par année et celui des plus jeunes répondants en général. Pour les deux groupes, on retrouve en effet davantage de célibataires et d’étudiants; de plus, en cas de problèmes personnels ou émotionnels, ils rapportent davantage recourir à leurs parents pour de l’aide et des conseils ainsi qu’à des lignes d’écoute et moins à un médecin de famille; enfin, ils se disent moins sensibles à la réputation d’un organisme pour consulter ses services. Les répondants à faible revenu, quand il s’agit de demander de l’aide, se heurtent à des barrières qui leur sont spécifiques. Plus que les autres, ils n’aiment pas dévoiler leurs émotions et préfèrent garder leurs problèmes pour eux. Ils sont également plus sensibles au fait d’être écoutés et pris au sérieux par les intervenants, et ils consultent moins les ressources psychosociales. Enfin, en cohérence avec leur situation socioéconomique, ils rapportent davantage que la gratuité ou le faible coût des services constituent pour eux des aspects importants qui influencent leur recours à l’aide et aux services.
4. Discussion
Les résultats du sondage tracent un portrait à deux dimensions concernant les hommes à faible revenu dans leur rapport aux services. La première dimension se résume par le fait que, d’une manière générale, les hommes de cette catégorie suivent les mêmes tendances que l’ensemble des hommes dans leur relation aux différentes formes d’aide et de services. La seconde dimension, quant à elle, fait ressortir des aspects qui leur sont plus spécifiques. Un examen de ces aspects conduit à repérer certaines dynamiques sociales qui méritent d’être abordées.
Une première dynamique tient à l’existence d’une plus grande distance à l’égard des services. Cette distance est mise en évidence par le fait que les hommes à faible revenu sont plus nombreux, en proportion, à vouloir garder leurs problèmes pour eux et à être plus réticents à demander de l’aide, même s’ils savent que cela pourrait résoudre leurs problèmes. Ils sont plus nombreux également à accorder une grande importance à la vie privée et au désir que les gens ne soient pas au courant de leurs problèmes. Enfin, ils rapportent plus souvent que leur fierté serait blessée s’ils étaient contraints de demander de l’aide. Ajoutons à ce tableau que les hommes à faible revenu sont plus nombreux, en proportion, à mentionner n’avoir aucune idée de l’aide qui leur est disponible. À cet égard, ce dernier constat concorde avec des études conduites auprès de populations en contexte de pauvreté ayant montré que la méconnaissance du système de santé était un facteur explicatif important du non-recours aux services (Chauvin et Parizot, 2005; Dixon-Woods, Kirk, Agarwal et al., 2005; Dupéré, 2011; Dupéré, De Koninck, O’Neill, 2012; Rode, 2005).
Comment interpréter cette « distance »? Une des pistes tiendrait possiblement à certains constats posés par Ginette Paquet dans son ouvrage intitulé Santé et inégalités sociales. Un problème de distance culturelle (1989). Ses travaux mettent en perspective le fait que certains facteurs culturels liés à des représentations concernant la santé, à des valeurs et à des modes de vie différents de ceux des autres classes sociales constitueraient des obstacles d’accès à la santé pour les gens provenant des classes populaires. Cette « distance culturelle » isolerait les classes populaires du milieu des professionnels de la santé. Plus précisément, l’auteure soutient que « la distance culturelle entre le système de santé et les classes populaires amène de l’incompréhension réciproque et un dialogue à sens unique » (Paquet, 1989 : 108). Selon ses termes, il y aurait dichotomie entre le « eux » (par exemple, les professionnels de la santé) et le « nous » faisant référence aux personnes issues des classes populaires. L’auteure signale également que les institutions de santé éprouvent généralement des difficultés à rejoindre les clientèles issues des milieux populaires. Ce constat d’une distance culturelle entre classes populaires et professionnels de la santé trouve en partie écho dans les résultats mentionnés plus haut et dans d’autres recherches plus récentes (Chauvin et Parizot, 2005; Couffinhal, Dourgnon, Geoffard et al. 2005; Dupéré, 2011) qui ont également fait ressortir des barrières culturelles (notamment quant au rapport différent qu’entretiennent les personnes en situation de pauvreté envers leur corps, la maladie et la santé) et informationnelles (leur moindre connaissance des réseaux de soins) comme motifs expliquant le recours tardif et davantage curatif des populations les plus pauvres. Loignon, Hudon, Goulet et al. (2015), quant à eux, évoquent l’existence d’une distance sociale entre les personnes en situation de pauvreté et les professionnels de la santé, liée au fait qu’ils vivent dans des contextes sociaux fort différents et ne font donc pas face aux mêmes réalités. Cette distance sociale engendre non seulement des problèmes de communication difficile mais également des incompréhensions desquelles découlent des préjugés, une stigmatisation, une dévalorisation et de la discrimination dans les soins. Il est bien documenté que ces expériences négatives que vivent les personnes en situation de pauvreté font en sorte qu’elles évitent ou retardent leurs recours aux services sociaux et de santé (Canvin, Jones, Marttila et al. 2007; Dupéré, O’Neill, De Koninck, 2012; Loignon, Hudon, Goulet et al., 2015; Ocean, 2005, Reid, 2004).
Une autre piste interprétative du peu de recours ou du non-recours aux services concerne la socialisation masculine. De fait, nombreuses sont les études qui ont fait ressortir certains traits pouvant être interprétés comme relevant de la socialisation masculine traditionnelle et qui se poseraient en obstacles à un recours aux services (Bizot et Dessureault-Pelletier, 2013; Brooks, 1998; Dulac, 1999, 2001; Dupéré, 2011; Genest Dufault, 2013; Houle, 2005, Houle, Poulin et Codaire, 2006; Roy, Tremblay, Guilmette et al., 2014; Turchetto, 2012). La recherche d’autonomie, la volonté de cacher ses vulnérabilités et le rôle traditionnel de pourvoyeur seraient, entre autres, des traits de socialisation masculine s’inscrivant en contradiction avec le recours aux services. Cela serait d’autant plus vrai pour les hommes à faible revenu qui adhèreraient davantage à ces caractéristiques.
La seconde dynamique concerne l’accessibilité financière aux services. De toute évidence, il existe une étroite relation entre le revenu et la gratuité ou le faible coût des services, laquelle peut engendrer des problèmes d’accessibilité économique aux services pour les hommes à faible revenu. Notamment, le recours moindre à des services de santé autres que médicaux qui a été constaté précédemment chez les hommes à faible revenu pourrait s’expliquer en partie par la tarification de certains services. Les travaux de Dupéré, O’Neill, De Koninck (2012) et de Loignon, Hudon, Goulet et al. (2015) ont mis en évidence le fait que certains obstacles économiques peuvent être considérés comme un des facteurs expliquant le non-recours aux services. Ainsi, certains services sociaux et de santé ont des frais directs, sans compter des frais indirects (par exemple, le transport pour se rendre au service) qui représentent des barrières économiques, particulièrement pour les personnes qui vivent de l’aide sociale.
À la lumière des résultats de la recherche, il importe de souligner que plus globalement, sous l’angle des inégalités sociales, une attention particulière devrait être portée aux stratégies d’intervention favorisant un rapprochement vers les milieux et la culture des hommes à faible revenu et la facilitation de l’accès aux services. Une réflexion s’impose non seulement à propos des comportements professionnels, mais également des ressources sociosanitaires elles-mêmes. Comme le soulignent Lombrail et Pascal (2010), les systèmes de santé peuvent engendrer des inégalités d’accès par « omission », en ne reconnaissant pas les besoins des personnes, ou par « construction », en ne prenant pas en compte les inégalités dans les programmes. Des formations plus solides sur le genre et la pauvreté sont nécessaires pour que les professionnels des milieux institutionnels soient mieux outillés pour comprendre la dimension sociale des problèmes individuels et saisir les codes, les signes et les symptômes associés aux hommes en situation de pauvreté.
CONCLUSION
Bien que les hommes à faible revenu épousent, pour l’essentiel, les mêmes tendances générales que les autres hommes dans leur rapport aux services, les résultats de l’étude démontrent que certains traits plus spécifiques les distinguent. En premier lieu, ils sont plus nombreux, en proportion, à vouloir garder leurs problèmes pour eux et à être plus réticents à demander une aide qu’ils savent pourtant susceptible de résoudre leurs problèmes. Ils accordent aussi plus d’importance à la vie privée et au désir d’éviter que les gens soient au courant de leurs problèmes. Enfin, ils rapportent plus souvent que leur fierté serait en jeu s’ils étaient contraints de demander de l’aide, et sont plus nombreux à mentionner n’avoir aucune idée de l’aide qui serait disponible.
Pour mieux comprendre cette distance accrue des hommes à faible revenu par rapport aux services, il importe de mieux connaître les cultures populaires afin de mettre en lumière certaines dimensions relatives à leur perception des services et de la santé en général. Des aspects liés à la socialisation masculine traditionnelle représentent également des obstacles au recours à l’aide et aux services. D’autre part, la question de la gratuité ou du faible coût des services constitue un enjeu incontournable. C’est d’ailleurs là l’un des critères qui distinguent le plus les répondants à faible revenu des autres.
Les résultats de l’enquête sont porteurs d’un certain nombre de limites. Mentionnons la difficulté à qualifier l’échantillon d’hommes à faible revenu selon les seuils de faible revenu de Statistique Canada en raison, entre autres, d’informations manquantes sur le ménage. Le mode de recrutement par internet représente également un biais potentiel du fait qu’une partie des personnes à faible revenu au Québec n’ont pas accès à internet et ne possèdent pas d’ordinateurs; l’accès demeure inégal selon les groupes sociaux. En outre, les résultats reflètent les perceptions des répondants. Leurs réponses ne sont pas confrontées à des observations spécifiques ou au recours à des instruments de mesure. Il est à noter que la taille de l’échantillon se limite à 175 répondants gagnant moins de 20 000 $ par année sur un échantillon de 2 084 répondants. Enfin, on observe une surreprésentation de jeunes dans l’échantillon : près de la moitié des répondants à faible revenu sont âgés de 18 à 24 ans (46,9 %). Sur le plan interprétatif, cela signifie que certaines tendances observées peuvent également être attribuables au jeune âge des répondants.
Par ailleurs, malgré ses limites, l’enquête offre de nouvelles pistes de recherche à explorer, d’autant plus qu’il existe peu d’études au Québec sur les hommes à faible revenu. L’intérêt principal des résultats de l’enquête repose sur l’identification des barrières les plus significatives à l’aide et aux services chez les hommes à faible revenu. La dynamique globale qui en découle permet de mieux comprendre le phénomène de distanciation de ces hommes par rapport à l’aide et aux services et, pour le milieu de l’intervention, d’offrir ainsi un matériel pouvant alimenter la réflexion sur l’ajustement des interventions aux réalités des hommes à faible revenu 19.
En particulier, les résultats font ressortir l’importance de tenir compte de l’expérience de ces hommes, de bien les écouter et de les prendre au sérieux tout en respectant leur désir d’autonomie et leur volonté de préserver leur vie privée. Le fait d’établir un rapport plus égalitaire avec les intervenants favoriserait également une intervention plus efficace auprès de ces hommes (Bizot et Dessureault-Pelletier, 2013; Ducharme, Lévesque, Éthier et al., 2007; Dupéré, 2011). C’est à ces conditions, entre autres, que pourra émerger un contexte propice à un rapprochement tangible entre les hommes à faible revenu et les services.
ABSTRACT:
This article focuses on men with low incomes and their relations with services as well as their barriers in seeking help. It presents the results of a Quebec national survey involving a representative sample of 2,084 men (Tremblay et al., 2015) and a focus group consisting of low-income men. According to these results, low-income men follow, in general, the same tendencies as other men in their relations with services and help. However, they present some particular traits. The culture of unprivileged people combined with traditional male socialization tends to keep low-income men from resorting to services and seeking help. Finally, having access to free services remains a major issue for this population. The results are especially important in identifying most major barriers to help-seeking by low-income men and provide some cues for intervention and the adaptation of services.
KEY WORDS:
Men-low-income; help-seeking; barrier to help-seeking; relations to services
Notes
1 Cette recherche a été rendue possible par une subvention du Fonds de recherche du Québec Société et culture et du ministère de la Santé et des Services sociaux (2012-2015).
2 Selon l’âge, la langue maternelle, la provenance géographique, le type de ménage, la scolarité et le revenu personnel, l’échantillon des répondants correspond aux proportions que l’on retrouve dans les données publiques.
3 Intervalle de confiance de 95 %.
4 Le nombre de répondants varie de 162 à 175 selon les types d’énoncés.
5 Sont ici additionnés les pourcentages des répondants s’étant dit « Partiellement en accord » et « Totalement en accord ». Les autres catégories sont « Totalement en désaccord » et « Partiellement en désaccord ». Les catégories « Ne s’applique pas » et « Je ne sais pas/Je préfère ne pas répondre » n’ont pas été considérées dans le calcul.
6 Le nombre de répondants est de 1920. Le Khi carré est de 0,001.
7 Le nombre de répondants varie de 289 à 1494 selon les types de ressource.
8 Les autres répondants ont répondu : « Très peu probable » et « Peu probable ». Aux fins du tableau, sont exclus les répondants ayant répondu : « Ne s’applique pas » et « Je ne sais pas/je préfère ne pas répondre », soit de 0 à 52 répondants selon les types de ressource.
9 Ce résultat doit être interprété avec prudence, car 25,6 % des répondants n’avaient pas de conjoint/e.
10 Khi carré de 0,002. On peut présumer ici que l’âge des répondants a eu un effet réel sur les résultats, car dans les données publiques sur l’affiliation au médecin de famille, les personnes de 15 ans et plus sous le seuil de faible revenu de Statistique Canada étaient, en proportion, presque aussi nombreuses que les autres à avoir un médecin de famille (77,1 % contre 78,9 %) (Dubé, Linteau, Pineault, Lévesque, Lecours et al., 2013).
11 Le nombre de répondants varie de 169 à 173 selon le type de ressource consultée. 12 Khi carré de 0,000.
13 Le tableau est basé sur le nombre de répondants ayant répondu avoir consulté un médecin, un autre spécialiste de la santé ou une aide professionnelle en intervention psychosociale au cours des trois dernières années. Le nombre de répondants varie de 149 à 155 selon les critères retenus.
14 Khi carré de 0,000. 15 Khi carré de 0,001.
16 Le tableau est basé sur le nombre de répondants ayant répondu avoir consulté un médecin, un autre spécialiste de la santé ou une aide professionnelle en intervention psychosociale au cours des cinq dernières années ou plus, ou n’ayant jamais consulté. Le nombre de répondants varie de 99 à 110 selon les énoncés.
17 Le Khi carré varie de 0,002 à 0,043 selon les énoncés.
18 Le p varie de 0,05 à 0,0001 selon les variables.
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