Numéro 144

L’auto-divulgation délibérée au prisme du travail social : entre délégitimation professionnelle et requalification des savoirs d’expérience

Résumé :

Dans cet article, nous verrons que l’auto-divulgation délibérée tend à avoir du mal à s’instaurer de manière légitime dans les pratiques d’intervention en santé mentale parce qu’elle vient brouiller les distinctions entre « savoir expert » et « savoir profane » ainsi qu’entre espace public et espace privé, distinctions sur lesquelles tend à s’édifier et se distinguer la légitimité professionnelle de certaines pratiques. L’expérience singulière de travailleurs sociaux francophones œuvrant dans le domaine de la santé dans la région d’Ottawa nous permettra de saisir la complexité de ces dynamiques qui interviennent dans la mise en application de l’auto-divulgation délibérée de la part de l’intervenant.

Mots-clés :

Auto-divulgation, auto-divulgation délibérée, savoir expert, savoir profane, savoir d’expérience, légitimité professionnelle, travailleurs sociaux, santé mentale

Introduction

Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse1, mentionnait : « The [therapist] should be opaque to his patients, and like a mirror, should show them nothing but what is shown to him » (Freud, 1912 : 117). Si ce discours semble encore dominant aujourd’hui dans le champ de la santé (Carew, 2009), il entre néanmoins en tension avec un autre discours, lequel tend pour sa part à valoriser l’auto-divulgation délibérée2 du thérapeute (Carew, 2009; Farber, 2006; Forrest, 2010; Henretty et Levitt, 2010; Jourard, 1971; Kahn, 1997; Zur, 2007). Cette tension apparait de manière d’autant plus évidente que sont mises en place des stratégies politiques et des programmes en faveur de l’embauche et de l’intégration de pairs-aidants aux équipes professionnelles3, et que le contexte actuel (marqué à la fois par la rareté des ressources et l’instauration de cadres d’action standardisés et efficients) pousse fréquemment les intervenants à engager davantage leur subjectivité dans les situations ainsi qu’à faire preuve d’initiatives face à des problèmes de plus en plus complexes (Ravon et Ion, 2012 : 91).

Dans le cadre d’une recherche exploratoire de maîtrise (Le Scelleur, 2014), nous avons voulu saisir quels pouvaient être les termes et les enjeux du débat – plus ou moins larvé – autour de l’auto-divulgation délibérée afin de comprendre les raisons pour lesquelles cette pratique peine à s’instaurer de manière légitime chez les différents professionnels qui travaillent dans le domaine de la santé. Pour cela, nous avons conduit un groupe de discussion auprès de huit travailleurs sociaux francophones œuvrant dans le champ de la santé mentale à Ottawa. Quatre questions orientaient cette enquête : Quel est le positionnement des travailleurs sociaux quant à l’auto-divulgation délibérée des intervenants? Quels sont les usages qu’ils en font en contextes institutionnels et communautaires d’intervention en santé mentale? Comment perçoivent-ils la pratique et la réception, par les autres professionnels de la santé mentale, de l’auto-divulgation? Comment expliquer ces modalités de pratique et de représentation dans les milieux de pratique? Une hypothèse de travail guidait notre recherche, celle que le savoir expert tendait à s’imposer dans le champ de la santé mentale au détriment des savoirs profanes (ou savoirs d’expérience, autant ceux des intervenants que des usagers), cela en raison et au bénéfice du maintien d’une hiérarchie des professions au sein des institutions d’aide et de soins.

Dans cet article, nous présentons un résumé des résultats de cette recherche. Nous verrons que l’auto‑divulgation délibérée, si elle est valorisée par les travailleurs sociaux que nous avons rencontrés, est disqualifiée par les autres intervenants et par les gestionnaires en santé mentale pour deux principales raisons. D’une part, elle vient brouiller la distinction entre expert et profane, chère à plusieurs professions de la santé. D’autre part, elle crée un flou entre l’espace public et l’espace privé, distinction sur laquelle s’édifie et se distingue la légitimité professionnelle de certaines pratiques. Aussi, si l’auto‑divulgation comme point d’achoppement entre les professions peut paraître anecdotique, nous constaterons qu’elle est en fait révélatrice de luttes entre professions pour l’édification de ce qui constitue des pratiques professionnelles légitimes, où le travail social, dans le champ de la santé mentale, occupe une position de subordination par rapport aux professions médicales.

1. Retour sur la problématique

L’auto‑divulgation par le thérapeute ou l’intervenant signifie le dévoilement d’informations qui vont au-delà des informations professionnelles standards comme son nom, sa formation et son accréditation, les politiques de son organisation, etc. Ce sont les informations personnelles qui sont dévoilées par le thérapeute pour un bénéfice clinique et qui sont considérées comme n’étant pas dangereuses pour la personne auprès de laquelle on intervient (Zur, 2007). Selon Zur, il existerait quatre formes d’auto-divulgation : la délibérée, l’inévitable, l’accidentelle et l’initiée par l’usager. La forme délibérée réfère à la divulgation intentionnelle d’informations personnelles de la part du thérapeute, qu’elle soit verbale ou non verbale. Cette forme se subdivise en deux types de divulgation délibérée, soit : la révélation (le thérapeute qui parle de lui-même) et l’implication (réactions personnelles du thérapeute face au client). La forme inévitable, quant à elle, fait référence à une grande variété de propriétés telles que : le genre, l’âge, le physique, le ton de voix, une grossesse, un accent étranger, des tatouages, diverses formes de handicap ou d’invalidité, le port d’une alliance, le port d’un symbole religieux, le cabinet du thérapeute (si ce dernier se trouve à l’intérieur de son domicile, par exemple, il peut faire état de son statut économique et de plusieurs autres facettes du thérapeute). La forme accidentelle de divulgation se produit lors d’une rencontre fortuite avec le client, en dehors du bureau du thérapeute. Enfin, la forme initiée par le client réfère aux informations sur le thérapeute qui sont volontairement recherchées et obtenues par le client, par exemple sur Internet. Dans le cadre du présent article, nous nous attarderons à la forme délibérée de l’auto-divulgation, car c’est elle, nous le verrons, qui semble être la plus susceptible de créer la controverse.

1.1 Les enjeux de l’auto-divulgation délibérée

L’auto‑divulgation délibérée peut se présenter sous deux principaux aspects : 1) l’auto‑divulgation reliée aux situations de souffrance similaires entre le thérapeute et son patient (nommé Shared Trauma4 par Tosone, Nuttman-Shwartz et Stephens, 2012); 2) les expériences de vie ou professionnelles qui sont vécues hors du cadre de thérapie, mais qui pourraient toutefois bénéficier à celle-ci (Henretty et Levitt, 2010).

Une recension des écrits réalisée par Henretty et Levitt (2010) montre que plus de 90 % des thérapeutes5 utilisent diverses formes d’auto-divulgation pour les bienfaits de la thérapie. Or, la pertinence d’une telle intervention, les enjeux qui l’entourent, le contexte dans lequel elle est utilisée, le processus d’utilisation et la place qu’elle occupe dans les programmes de formation des futurs thérapeutes demeurent encore obscurs (Henretty et Levitt, 2010), malgré le nombre important de recherches sur la question, particulièrement dans le monde anglo-saxon. Selon Henretty et Levitt (2010), une seule étude sur cinq indique que sa pertinence serait nulle, toutes les autres étant en faveur de l’utilisation de l’auto-divulgation délibérée de la part de l’intervenant, quel que soit le domaine d’intervention. On y indique notamment que cette pratique permet d’établir un lien de confiance entre l’intervenant et l’usager des services et d’amoindrir les effets de domination potentiels de la relation d’aide.

Les travaux d’Henretty et Levitt ont été approfondis en 2012 par Margaret F. Gibson, qui confirme les conclusions émises par Henretty et Levitt (2010). Toutefois, cette dernière ajoute une nouvelle étude sur l’auto‑divulgation délibérée qui concerne les membres de la communauté des gais/lesbiennes/bisexuels/transgenres, laquelle était jugée absente de l’étude précédente. En outre, elle aborde une nouvelle problématique, soit celle de l’utilisation de l’auto-divulgation en contexte institutionnel6 ou régulé. Elle ajoute que les approches plus récentes comme l’approche narrative, l’approche collaborative et les théories féministes7 ont fait la promotion de ces nouveaux objectifs de transparence et de co-collaboration (Gibson, 2012 : 293). Elle met de l’avant le concept de « facteurs communs8 » issu de multiples études précédentes, en indiquant que malgré qu’il soit difficile de les expliquer ou de les limiter par une théorie, ils sont très utiles dans la pratique. C’est en ce sens que Prades et Parazelli (2011/2012 : 193), par exemple, rassemblent le travailleur social précarisé9 et celui qu’il accompagne dans une proximité issue d’une situation commune. Dans cet espace, le travailleur social est dorénavant perçu comme un semblable et non un professionnel, car il aurait tendance à s’impliquer personnellement dans l’intervention, étant en posture de comprendre les difficultés des autres.

Henretty et Levitt (2010) soulignent néanmoins que cette approche n’est pas sans risques et qu’il n’existe aucune certitude quant au bienfait ou au dommage qu’une divulgation peut avoir sur un usager en particulier, dans une situation en particulier. Parmi les risques, on mentionne entre autres que le patient pourrait projeter des distorsions transférentielles aux fins d’interprétation. Le tout repose sur le jugement de l’intervenant et l’intention derrière l’acte, au moment précis où la situation prédispose à une divulgation. Ces auteurs soutiennent par conséquent que les thérapeutes devraient être mieux formés à utiliser cette technique.

1.2 Les origines humanistes de l’auto-divulgation délibérée

Au-delà de la question des risques et bienfaits de l’auto‑divulgation délibérée, une forme d’allégeance théorique non proclamée semble ressortir de la littérature et avoir une influence sur l’application ou non de l’auto-divulgation délibérée. Selon Zur (2007), l’attitude envers l’auto-divulgation de la part du thérapeute est directement liée à l’orientation théorique qu’il privilégie, laquelle peut se résumer, si on force un peu le trait, à deux écoles de pensée. La première, l’école de pensée classique10, est très empreinte du discours freudien et prône la neutralité, l’abstinence, voire l’anonymat, ainsi qu’une forme de séparation d’avec l’usager (Carew, 2009; Farber, 2006; Forrest, 2010; Freud, 1912; Kahn, 1997; Zur, 2007). Il est important de ne pas oublier que la psychothérapie a débuté en tant que spécialité médicale (Kahn, 1997 : 5). La seconde, l’école de Rogers et la révolution humaniste (Carew, 2009; Farber, 2006; Forrest, 2010; Kahn, 1997; Zur, 2007), croit que l’empathie et le regard positif inconditionnel sont les attitudes à favoriser de la part du thérapeute. En effet, les thérapeutes qui adhèrent à cette école définissent l’aspect thérapeutique de la relation comme un geste authentique voulant que le thérapeute partage ouvertement ses sentiments qui émanent durant l’intervention (Carew, 2009 : 268; Kahn, 1997 : 11). Cette authenticité aurait un rôle à jouer dans l’amélioration de la relation thérapeutique, qui est un des facteurs les plus importants de la réussite thérapeutique (Drapeau et Koerner, 2003). Cette théorie humaniste transcende le fondement de la relation thérapeutique dans un contexte de souffrance (Gibson, 2012 : 292) et vient endosser l’utilisation de l’auto-divulgation délibérée dans le parcours du rétablissement. À travers la divulgation, l’intervenant favorise une reconnaissance mutuelle et subjective, qui permet ainsi d’éviter l’asymétrie dans la relation et offre un espace de rencontre entre deux personnes, au lieu d’une rencontre entre un intervenant et un utilisateur des services (Rowe, 2002).

De nos jours, ces allégeances pas toujours proclamées sont encore prédominantes dans la pratique et constituent en elles-mêmes une sorte de lutte entre les approches favorisées en intervention. La littérature nous indique que les fondements théoriques empruntés par les intervenants viennent influencer la vision qu’ils ont de l’approche de l’auto-divulgation (Audet et Everall, 2010; Barrett et Berman, 2001; Henretty et Levitt, 2010; Wells, 1994). Il semble exister une forme d’opposition entre les approches humanistes de Rogers enseignées dans les programmes de formation en travail social et certains des préceptes de l’école classique sous-jacents à la pratique de nombreux psychiatres et psychologues. Dans ce dernier cas, le recours à un discours scientifique, médical et positiviste comme vecteur d’autorité n’est pas rare, si bien qu’aujourd’hui,
« …une tendance forte se dessine où seule la « science » serait autorisée à dire le besoin des personnes visées par les programmes, étant donné que son degré de légitimité serait plus élevé ou moins contesté que celui associé aux simples perceptions des clients ou des intervenants ». (Parazelli et Dessureault, 2010 :16)

En outre, derrière l’utilisation ou non de l’auto‑divulgation délibérée se dessine également la question de Who care? Who cures? telle que posée par Baumann, Deber, Silverman et al. en 1998. L’objectif visé par ces deux questions est différent, l’un se voulant une réponse médicale qui cherche à traiter et guérir, et l’autre se rapprochant d’une réponse humaniste qui vise à prendre soin de la personne. Ce qui renvoie de nouveau à une opposition entre, d’un côté, la médecine, la psychiatrie et la psychologie et, de l’autre, des professions comme le travail social :

« The resulting battles pitting “care” against “cure” have served to emphasize the extent to which traditional depictions of the roles of different health care providers have led to an artificial distinction between “cure” as being a physician’s responsibility, and “care” as being the responsibility of the nurse and/or other health care workers. » (Baumann, Deber, Silverman et al., 1998 : 1043)

Aussi, l’utilisation ou non de l’auto‑divulgation délibérée dans les services de santé mentale peut renvoyer à une question de luttes et de revendications de légitimité entre les professions (ainsi qu’en leur sein), et donc à une question de pouvoir.

2. Savoirs et pouvoir dans les services de santé mentale

Pour étudier les enjeux entourant l’utilisation de l’auto‑divulgation délibérée chez les travailleuses et travailleurs sociaux francophones de la région d’Ottawa œuvrant dans le domaine de la santé, nous avons emprunté un cadre d’analyse foucaldien sur le savoir et le pouvoir11.

Lorsque Foucault a écrit La naissance de la clinique : une archéologie du regard médical, en 1963, il a expliqué que la construction de la clinique au 18e siècle avait pour but d’encadrer, de surveiller et d’évaluer les pratiques des prétendus guérisseurs accusés de charlatanisme. De ce mouvement de scientifisation de la médecine est née l’emprise du savoir médical dans les sociétés occidentales, une emprise qui peut être définie en termes de domination et de pouvoir, car dorénavant le médecin représente la plus haute autorité en matière de savoir (Bourdin, Chauvaud, Estellon et al., 2008 : 92). Or, Foucault se préoccupe d’un retour au savoir des gens, lequel est inextricablement lié à sa réflexion sur la vérité et le pouvoir et aux enjeux qui s’y rattachent (Blais, 2006 : 153). Le savoir d’expérience ou « savoir des gens », comme il le dit au cours de sa leçon du 7 janvier 1976, au collège de France, renvoie à l’idée que la vie en tant qu’expérience est une source valable de savoir. Ce savoir particulier, local, est disqualifié, et entre constamment en conflit avec les effets de pouvoir du discours scientifique, qu’il qualifie de tyrannie des discours englobants et hiérarchisants. Foucault dit : « Le savoir expert minorise le sujet parlant, le sujet d’expérience et de savoir » (Foucault, 1997 : 12-13). Cette édification de la médecine a relégué le savoir profane à des savoirs lacunaires qui doivent être redressés, voire même corrigés, par le savoir « conforme » que représente la médecine.

Si Foucault s’est intéressé au savoir profane de la personne qui consulte, le savoir « profane » du professionnel semble pour sa part avoir peu fait l’objet de réflexions. Le professionnel apparaît le plus souvent et de manière plus ou moins implicite comme un représentant du savoir scientifique au nom duquel il agit, ses expériences personnelles et sa singularité s’effaçant au profit de son identité professionnelle. Or, selon Trainor et Jeffreys (2003), les travailleurs sociaux qui empruntent une perspective foucaldienne devraient mettre en doute et contester les régimes de vérité dominants – les savoirs scientifiques – qui classifient et évaluent les expériences des usagers. De ce fait, ils ajoutent que les travailleurs sociaux, au lieu de rendre un jugement professionnel basé sur un savoir scientifique, devraient utiliser leurs propres savoirs d’expérience afin de faciliter la libération des pensées de leurs clients et de leur permettre de mieux déterminer leur propre subjectivité. Selon eux, le choix du type d’intervention ne devrait pas reposer sur un savoir scientifique déterminé en amont, mais bien sur le partage qui s’effectue au cours de la relation entre le client et l’intervenant. Ce partage, qui devient l’essence, voire le matériau à exploiter, doit être reconnu comme le savoir expérientiel à utiliser.

Non seulement le savoir profane du client est-il dominé dans l’enceinte des organisations de la santé et des services sociaux, mais nous pensons que le savoir profane du professionnel l’est tout autant. Qui plus est, embrigadé qu’il est dans des rapports de pouvoir au sein de l’organisation des services, c’est le savoir d’expérience du travailleur social, pourtant outil de travail, qui est marginalisé par les autres professions, plus enclines à embrasser et à véhiculer les savoirs dits scientifiques. Nous verrons cependant que les travailleurs sociaux, par des pratiques d’auto-divulgation délibérée souvent tacites et invisibles aux yeux des représentants des autres professions, peuvent réactiver les savoirs d’expérience, tant les leurs que ceux des usagers. L’auto‑divulgation délibérée devient ainsi une forme de pratique silencieuse13 dans la bataille contre les effets de pouvoir des discours scientifiques, cela dans un cadre où les pratiques managériales orientées sur l’efficacité mesurable ne la favorisent pas non plus.

3. Méthodologie

La méthode de collecte des données privilégiée aux fins de cette étude a été le groupe de discussion auprès de travailleurs sociaux, une méthode qui paraissait pertinente pour recueillir le point de vue des participants sur leurs pratiques. Nous nous sommes intéressées aux thèmes suivants : 1) la conception des intervenants de l’auto-divulgation délibérée et de sa mise en application; 2) leur position face aux savoirs expérientiels et scientifiques; 3) les répercussions de l’organisation des services dans leurs pratiques; et 4) la présence de rapports de pouvoir dans la pratique (au sein de la profession et entre les professionnels et professions de la santé). Le groupe de discussion permet une interaction contrôlée entre les participants, ce qui favorise un milieu dynamique plus sécuritaire, où il devient plus facile d’émettre des confidences (Geoffrion, 2010 : 392-393). Baribeau et Germain (2010 : 155-156) ajoutent à ces avantages l’économie de temps et l’accès à un grand nombre de sujets. Ces auteurs s’entendent pour dire que cette méthodologie permet de faire émerger les représentations sociales, d’identifier les consensus et les désaccords plus rapidement, et de favoriser le partage d’idées. Ce projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de la recherche de l’Université d’Ottawa.

Les résultats présentés dans cet article s’appuient sur les données recueillies auprès de huit travailleurs sociaux francophones diplômés en travail social et œuvrant dans le domaine de la santé en milieu institutionnel et en milieu communautaire dans la région d’Ottawa, que nous avons recrutés par courriel, par l’entremise de l’Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l’Ontario. La taille et la composition de l’échantillon ont été déterminées par le nombre de réponses favorables reçues, la disponibilité des candidats ainsi que le respect de certains critères de diversification du groupe. Parmi eux, nous nous sommes assurées de joindre des hommes et des femmes de divers niveaux d’expérience, soit entre un et 25 ans de pratique. De plus, nous avons tâché de diversifier les milieux de pratique (communautaire et institutionnel) ainsi que les niveaux d’études afin d’éviter que les propos recueillis ne soient un effet direct de ces facteurs. Les participants ont tous complété un programme de niveau collégial, baccalauréat ou maîtrise entre 1985 et 2010. Ainsi, nous avons rencontré un homme et trois femmes travaillant en milieu communautaire, ainsi que quatre femmes travaillant en milieu institutionnel. Seul le féminin et des prénoms fictifs sont utilisés dans cet article dans le but de conserver l’anonymat des participants. Une seule rencontre a été effectuée, car un suivi ne s’est pas avéré nécessaire, les participants ayant suffisamment approfondi les thèmes de discussion retenus pour la recherche. Cette rencontre a été enregistrée avec le consentement des participants et s’est basée principalement sur un guide de discussion remis préalablement à chacun. L’analyse de contenu thématique a été privilégiée afin de mettre en rapport les positions objectives, les pratiques et le point de vue subjectif des participants (Beaud et Weber, 2010 : 229). Cette démarche d’analyse a ainsi pu faire ressortir l’expérience subjective de l’auto‑divulgation délibérée, en vue de l’analyser à la lumière des concepts de savoirs et de pouvoir14.

Si, aux fins d’une étude exploratoire réalisée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise, nous avons choisi de travailler uniquement auprès des travailleurs sociaux, il va sans dire qu’une mise en dialogue de leurs pratiques avec celles des autres professionnels de la santé mentale aurait permis d’affiner la compréhension des enjeux en cours. Néanmoins, nous verrons dans l’analyse qu’un coup d’œil aux codes d’éthique respectifs des travailleurs sociaux et des psychologues permet déjà de relever des différences de perspective fondamentales. En outre, le caractère unique de la rencontre, auprès d’un nombre restreint d’intervenants ayant de surcroît accepté sur une base volontaire de participer à cette recherche – ce qui laisse supposer qu’ils sont particulièrement sensibles, d’une façon ou d’une autre, à la question des usages de leurs savoirs d’expérience dans l’intervention – permet difficilement de généraliser les résultats à l’ensemble des travailleurs sociaux en santé mentale. Une attention respectueuse à leurs discours conduit néanmoins à prendre acte que des tensions sont effectivement présentes, dans les milieux de pratique, au sujet de l’auto‑divulgation délibérée, et que des effets de pouvoir entre les professions et avec les gestionnaires, comme nous le verrons, sont bel et bien ressentis, en dépit de notre incapacité à en évaluer l’ampleur. Notre premier objectif, ici, est d’appeler l’attention à certaines modalités de pratique ou de non-pratique de l’auto-divulgation délibérée et de soulever des hypothèses sur ce qu’elles révèlent, aujourd’hui, quant aux services offerts dans le champ de la santé mentale en Ontario, plus modestement à Ottawa.

4. Présentation des résultats

D’emblée, lors du recrutement et de la discussion initiale, nous avons pu cerner une grande curiosité face à notre objet de recherche. Plusieurs participants ont mentionné que le sujet était très peu abordé dans la pratique. Aucun, d’ailleurs, n’avait déjà lu de publications scientifiques ou à visée pratique sur la question. Leurs définitions de l’auto-divulgation délibérée sont donc venues de manière quasi instinctive, puisées dans leur expérience de praticien.

4.1 Les représentations et les usages de l’auto-divulgation délibérée : entre savoirs légitimes et pratique illégitime

Pour la grande majorité des participants, l’auto‑divulgation entendue de manière générale est une forme de dévoilement de soi, de confidence quant à sa vie personnelle et de partage des vécus. Cette définition initiale fait référence à une action spécifique de partage. Toutefois, lorsque nous avons demandé aux participants de se prononcer sur la dimension délibérée de l’auto‑divulgation, ils ajoutent un sens à ce partage. Ce sens prend forme dans les diverses intentions, telles qu’établir une relation, un lien ou une forme d’égalité qui viennent soutenir cette divulgation. « C’est un début thérapeutique » (Inès). Quoi qu’il en soit, tous soulignent l’aspect « sensible » de cette approche. Il semble en effet que la divulgation de certaines expériences de vie engage particulièrement l’intervenant, tant auprès de la personne à qui il vient en aide qu’auprès de ses pairs :

Donc, ça sert beaucoup à ça. À avoir une relation de plus en plus égale, avoir une relation de confiance avec la personne. Ce que je pourrais ajouter de différent, peut-être, c’est que moi, quand j’entends ça, là, ce terme-là [délibérée], il y en a une… lumière rouge qui s’allume dans ma tête. Parce que j’ai l’impression que quand on fait une divulgation du genre –  » j’ai moi-même un trouble de santé mentale ou j’ai moi-même déjà eu un problème de consommation  » – ça devient plus sensible, je trouve. Ça devient une pratique silencieuse. (Léa)

Le fait de divulguer sciemment des informations personnelles suscite en effet des divergences d’opinions parmi les membres des équipes dans les milieux de pratique. Si le paradigme médical et son code de déontologie ne sont pas des indicateurs du non-emploi de l’auto-divulgation délibérée dans la pratique, puisque les participants affirment la pratiquer, ils constituent néanmoins une menace, car certains disent craindre de faire potentiellement l’objet de plaintes, voire d’être accusés de faute professionnelle :

Il y a une situation au travail, présentement, où il y a un grand changement au niveau philosophique de gestion. Et ça a été difficile parce qu’il y a un employé qui a perdu son emploi. Et on l’a blâmé pour des fautes professionnelles […] Une d’entre elles, je pense qu’on parlait qu’il parlait trop de lui. C’est quoi, ça, il parlait trop de lui? Par rapport à qui? Par rapport à quoi? Mais moi, ça m’a allumée quand j’ai entendu des bribes d’informations. […] Comment est-ce qu’on peut le faire? J’y réfléchis depuis tantôt. Comment on peut faire de l’auto-divulgation sans se ramener des plaintes ou des congédiements? (Nathalie)

Et de fait, un coup d’œil aux codes de déontologie différents qui régissent les pratiques des psychologues et celle des travailleurs sociaux laisse présager des différences fondamentales quant à la nature acceptable de la relation thérapeutique. Cet extrait tiré des Lignes directrices pour une pratique conforme à la déontologie de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux (2005 : 13) montre qu’une part de réflexivité est allouée au travailleur social, à qui il incombe de réfléchir aux effets néfastes potentiels que pourrait avoir sa relation avec un usager si celle-ci débordait le cadre distant de la relation professionnelle :

2.4 Des relations doubles ou multiples sont établies lorsque le travailleur social a, avec son client, des relations sur plusieurs plans, par exemple professionnel, social ou commercial. Ce type de relations peut exister simultanément ou consécutivement. Le fait d’avoir des contacts avec des clients, dans différents contextes de la vie quotidienne, n’est pas nécessairement mauvais; mais il incombe au travailleur social d’évaluer la nature de ces différents contacts afin de déterminer s’il ne se trouve pas en position de pouvoir ou d’autorité, ce qui pourrait influencer indûment ou négativement les décisions et les actions de son client.

En revanche, dans cet extrait tiré du Code canadien de déontologie professionnelle des psychologues, dans le chapitre Éviter les conflits d’intérêts (2000 : 27), on remarque que l’insistance est mise sur l’objectivité professionnelle, laquelle rime avec l’exigence d’une totale méconnaissance des autres rôles sociaux de l’usager des services :

III.33 Éviter les relations doubles ou multiples (par ex., avec les clients, les sujets de recherche, les employés, les personnes supervisées, les étudiants ou les clients) qui pourraient l’impliquer dans un conflit d’intérêts ou nuire à son objectivité et à son impartialité quand vient le temps de déterminer l’intérêt d’autrui.

Dans ces circonstances, comment est-il possible de faire concorder deux pratiques qui s’opposent au niveau du savoir-être et du savoir-faire en intervention? Ce simple exemple n’est pas unique et ne se rattache pas qu’à ces deux professions. Nous sommes devant une confrontation interdéontologique issue d’un pluralisme éthique et déontologique (Nowak, 2010). Il faut alors se questionner sur la préséance des codes : Y a-t-il suprématie d’un code de déontologie en particulier? Une réponse positive à cette question participerait ouvertement à la hiérarchisation des professions dans le domaine de la santé et des services sociaux et du pouvoir qui s’y rattache.

À cet effet, les participants font remarquer que la définition des « limites professionnelles appropriées » est nébuleuse et que nul ne s’entend sur la « bonne distance thérapeutique » et sur ce qu’il est approprié de dire en toute confidentialité. Pour les participants, il est bien sûr nécessaire de respecter la règlementation déontologique qui encadre leur pratique professionnelle et pour eux, l’utilisation de l’auto‑divulgation délibérée ne va pas à l’encontre des normes établies dans leur profession. Il revient à l’intervenant de choisir d’employer l’auto-divulgation ou non, en étant conscient des risques et des limites que cela comporte. Si certains intervenants sont donc prêts à prendre un risque calculé – pour les bienfaits de la thérapie – en l’utilisant, ils regrettent toutefois le manque de légitimité de cette pratique dans les milieux de pratique. Ils ressentent de la frustration autour du fait que l’auto-divulgation délibérée soit potentiellement porteuse de conflits, voire d’une remise en question de leurs compétences par les autres professionnels de la santé :

Est-ce que tu penses que c’est plus ou c’est unique au service social? Parce que ce n’est pas favorisé par tous les professionnels. Je trouve que les psychologues, que leur code de déontologie est très différent.[…] Puis, moi, ce que j’entends dans mon milieu, c’est que l’auto-divulgation avec une population vulnérable est nuisible au bien-être de l’autre. Là, je suis, comme  » où est votre preuve?  »  » Ah, j’ai plein de preuves « . […] Ça, c’est une infirmière, tu sais, qui dit ça. (Chloé)

Nous avons constaté, à travers les propos des participants, la prégnance du paradigme médical dans leurs milieux de travail, y compris dans les milieux communautaires. Cela a pour première conséquence de prendre en compte les processus biologiques et physiques (soit le corps) au détriment des histoires, des trajectoires, du vécu et de l’expérience du sujet. Le constat est « On dérange! » (Lola), parce que la pratique du travailleur social ne semble pas s’arrimer au modèle médical dominant, tant en milieu institutionnel qu’en milieu communautaire.

Une participante a par ailleurs soulevé une grande frustration face à la méconnaissance démontrée par les autres professions en ce qui concerne le rôle et les responsabilités des travailleuses et travailleurs sociaux. À la lumière des propos des participants, il semble que les autres professionnels de la santé pensent que le rôle du travailleur social se résume à détenir et à fournir la connaissance de toutes les ressources disponibles dans le domaine de la santé et des services sociaux. « Je ne suis pas un bottin! », lance avec une pointe d’humour, mais comme un cri du cœur, l’une des participantes au groupe de discussion. Pour les participants, cette tâche est d’abord impossible, étant donné la complexité des ressources et la multitude de services mais aussi, et surtout, parce que la vocation de leur profession ne se réduit pas à cela.

Durant le groupe de discussion, il a été soulevé que les médecins ont tendance à se placer en position de pouvoir et à s’octroyer le statut de détenteur de la vérité, donc du savoir vrai, disqualifiant ainsi le savoir des autres professions :

Il y a certains médecins qui vont nous laisser savoir qu’eux autres, ils ont la vérité, tu sais. Mais je pense que c’est important en tant qu’individu, en tant que travailleur, de montrer qu’on a notre expertise, puis notre perception. (Emma)

Les participants, sans le mentionner explicitement, soulèvent donc cette notion de discours « vrai » et légitime que s’octroie la profession médicale dans les organisations de la santé, discours qui hiérarchise et ordonne.

À la lumière de ce que rapportent les participants, la difficulté à faire reconnaître la pertinence et la légitimité des savoirs d’expérience dans l’intervention thérapeutique tend à remettre en question, aux yeux des autres professionnels de la santé, leur profession en tant que porteuse également d’un savoir légitime. Si l’un des savoirs d’une profession comme le travail social consiste à redonner sa pleine valeur aux « savoirs des gens », mais que ces savoirs sont délégitimés par d’autres professions, c’est la place et ce qui fait la légitimité de la profession qui sont remis en cause. Nous verrons maintenant que derrière la question de l’auto-divulgation délibérée comme pratique thérapeutique, ce sont effectivement les frontières de ce qui fait la légitimité des professions qui sont l’enjeu de luttes. D’après les propos des participants, l’organisation même des services dicterait une forme de supériorité des discours et des pouvoirs qui y sont rattachés.

4.2 L’auto-divulgation délibérée : une pratique à contre-courant de la managérialisation des services

En plus d’avoir à lutter contre les formes de pouvoir que s’octroient les défenseurs des savoirs médicaux, les travailleuses et travailleurs sociaux ont soulevé que des effets de pouvoir s’expriment aussi au niveau des équipes de gestion, qui ne cessent de faire pression sur les équipes de relation d’aide et de soins dans le but d’augmenter le roulement et ainsi atteindre les cibles fixées par les organisations. Cette pression organisationnelle est loin de toujours tenir compte des besoins des clients et d’être garante d’une qualité de soins et de services. Lors du groupe de discussion, le ton était sévère et laissait sous-entendre une généralisation du problème au sein des organisations, autant en milieu institutionnel que communautaire :

Exemple de ça, il faut vider des lits. On en parle trop, je sais. Vider les lits. Ça, ça compte. Le plus d’admissions, le mieux. Mais les réadmissions, on s’en fout. […] Moi, je suis, comme – bien là! Pense à la personne. Elle part une semaine, elle revient deux jours plus tard. […] C’est du  » niaisage « . On s’en fout parce qu’on a nos chiffres. Ça fait qu’on a notre financement.  » Whatever « , on veut que l’argent rentre. On veut faire rentrer l’argent. (Manon)

Cette pression envers l’atteinte de « résultats » tient moins compte de la réussite thérapeutique que de l’atteinte d’objectifs mesurables objectivement (nombre d’admissions, nombre de placements, etc.) qui est à la base du financement des organisations. Le travail des équipes de relation d’aide et de soins dont font partie les travailleurs sociaux est de moins en moins évalué pour sa qualité, malgré les divers codes de déontologie et les diverses politiques de qualité des soins, qu’en matière de quantité. Les propos des participants montrent clairement que les équipes de gestion exercent du pouvoir sur les professionnels, s’attendant à ce qu’ils soient dociles et surtout productifs, sans égard à l’éthique professionnelle, pourtant normée, censée orienter leurs pratiques :

Je pense que les intervenants – en tout cas, tous ceux avec qui je travaille – on a tous à cœur la qualité du service. Mais c’est difficile de transiger avec les demandes de quantité. Tu sais, il y a quantité versus qualité. (Emma)

Comme le mentionnent les participants, la confrontation interdéontologique présente au sein des organisations s’ajoute à l’atmosphère de tension issue d’un modèle de gestion managériale qui s’installe dans les différents services de santé. Or, ce style de gestion s’apparente à un modèle entrepreneurial qui s’exerce souvent aux dépens des pratiques professionnelles (Bezes, Demazière, Le Bianic et al., 2011). Les participants ont mentionné que cette forme d’organisation et de gestion des services avait différentes formes de répercussions : 1) sur le travailleur même; 2) sur les pratiques et 3) sur les relations de travail. Premièrement, les participants sont unanimes quant au fait que l’organisation du travail, dans leur milieu respectif, a un impact sur leur façon d’être en tant qu’intervenant : « Déjà, je vois un changement dans la manière que je suis parce que je pense à qu’est-ce qu’il est correct de faire pour me protéger. Alors, tu sais, la gestion, ça a tellement un impact […] je suis déjà changée. » (Lola)

Cette pression ressentie par les participants va jusqu’à affecter leur propre bien-être individuel, voire leur santé, et la tendance devient alors de protéger leur santé et leur emploi. Deuxièmement, l’organisation du travail et le style de gestion dans les différents milieux viennent aussi influencer la pratique des travailleurs, y compris en milieu communautaire : « Mais tu sais, juste pour répondre spécifiquement que oui, la gestion, ça a un gros impact sur la manière qu’on travaille comme équipe. » (Lola)

Finalement, les participants s’entendent pour affirmer que l’organisation du travail actuelle accentue le fossé qui se creuse entre les équipes de gestion et les travailleurs sociaux. Selon les propos amenés durant le groupe de discussion, il y aurait une absence de communication entre les deux parties, ainsi qu’une forme d’ingérence de la part de la gestion des organisations sur les travailleurs sociaux, cela sous le prétexte de favoriser de meilleures pratiques :

Moi, ça fait des années que je dis ça. Il y a un empiétement de la gestion. De plus en plus, on voit des gens de l’extérieur au travail social ou du domaine de la santé qui viennent gérer les affaires. Et qui viennent nous dire comment gérer notre travail et souvent, on l’entend même, au nom de meilleures pratiques. On charrie pas mal d’un bord à l’autre. (Nathalie)

Or, ces meilleures pratiques ne semblent pas être transmises de manière transparente et tendent à discréditer le discours des participants qui demandent en vain à être consultés. Il s’avère donc difficile de faire reconnaître certaines pratiques – comme l’auto-divulgation délibérée – lorsque dans le milieu même, l’espace de discussion est réduit au minimum, voire même absent, et qu’il y a une incompréhension à la base des besoins des travailleurs et de ceux qu’ils tentent de protéger.

4.3 L’auto-divulgation délibérée : une pratique silencieuse

Du fait qu’ils sont laissés-pour-compte dans l’aspect décisionnel des organisations et qu’ils sentent parfois que leur profession est subordonnée aux savoirs médicaux, les participants ont clairement énoncé qu’ils poursuivent leur mission tantôt en établissant certaines formes de résistance silencieuse, tantôt en formulant des revendications ouvertes, dans le but d’offrir les meilleurs soins ou la meilleure aide aux personnes qui ont recours à leurs services. Les participants semblent en effet s’aménager des espaces, dans cette organisation du travail contraignante, qui leur permettent de continuer d’exercer leur métier en fonction de leurs valeurs et de leur éthique. En pratiquant par exemple l’auto-divulgation délibérée de manière silencieuse, comme on l’a vu, les participants cherchent entre autres à faire prédominer la qualité de la relation thérapeutique, cela en dépit du fait que les autres membres de l’équipe ne soient pas favorables à ce type de pratique ou que l’équipe de gestion mette l’accent sur des résultats quantifiables. Même si cette position de résistance n’est pas simple à maintenir, comme le mentionne Nathalie – qui parle de « recette à burn-out » –, les travailleurs sociaux personnalisent leurs services et donnent ainsi du sens à leurs pratiques, en conférant une forme d’auto-légitimité à leur métier.

Par ailleurs, certains participants précisent qu’il est de leur responsabilité de faire changer « les mentalités » et les cadres de travail actuels, notamment en confrontant ouvertement certaines pratiques ou décisions :

C’est que j’ai plusieurs amis qui sont médecins, puis que je travaille avec eux.[…]Puis, je leur explique.  » Tu ne comprends pas, là.  » […] Pour qu’ils comprennent, que, vraiment, on ne niaise pas. On fait du travail. […]Puis, justement, les sensibiliser. Là, je parle d’une hiérarchie médecin – travailleur social parce que ça vient souvent de là. […] En tout cas, il y a toutes sortes de stratégie pour essayer de faire ce qu’on veut. Ce n’est pas évident. Mais moi, je pense qu’il faut parler de ce qu’on fait, puis pourquoi on le fait, dans le fond. Pour répondre à comment se faire comprendre. (Manon)

Finalement, plusieurs stratégies sont proposées : s’opposer collectivement aux discours actuels qui visent les cibles, en participant à l’élaboration d’une politique concrète concernant les objectifs à atteindre; mettre en place des comités d’usagers qui visent principalement à donner une voix à leurs besoins réels; favoriser un travail de collaboration non hiérarchique entre les professions et avec l’équipe de gestion afin de mettre à profit les forces de chaque profession et de chaque intervenant aux soins des usagers; inscrire la pratique de l’auto-divulgation délibérée et les réflexions autour des savoirs d’expérience dans le programme de formation des travailleurs sociaux, voire même de toutes les professions qui touchent l’intervention. Pour atteindre ces objectifs, les participants affirment que les travailleurs sociaux devraient davantage investir les postes de gestion puisque le manque de connaissance des réalités du terrain explique en grande partie l’incompréhension qu’ont les gestionnaires des besoins réels des usagers des services.

5. Discussion

La prégnance du paradigme médical dans les organisations tend à exercer une forme de pouvoir sur les autres professions, les savoirs scientifiques et objectifs sur le corps physique tendant à surpasser les autres formes de savoir sur la santé et le bien-être. À cette prédominance des savoirs médicaux légitimes s’ajoute une gestion managériale de la relation d’aide orientée sur l’efficacité et le rendement et qui repose elle aussi sur des indicateurs objectifs d’efficience comptable, ce qui ne contribue pas à la valorisation d’outils thérapeutiques davantage orientés sur la construction d’une relation d’aide de qualité. Dans ce double contexte, on peut comprendre que l’auto-divulgation délibérée peine à émerger comme pratique légitime et reconnue chez les travailleurs sociaux puisqu’elle risque de menacer encore plus leur quête de reconnaissance auprès des autres professions.

D’après ce que nous disent les travailleurs sociaux rencontrés, les relations de pouvoir entre les professions au sein des milieux d’intervention influencent leurs pratiques, à commencer par l’utilisation qu’ils font ou pourraient faire de leurs propres savoirs expérientiels dans l’intervention. En introduisant du savoir d’expérience (dit profane) dans du savoir « expert » (dit objectif et scientifique), l’auto‑divulgation semble constituer une menace au professionnalisme de ceux qui la pratiquent. Plusieurs travailleurs sociaux se trouvent pris entre l’arbre et l’écorce, car les approches qu’ils préconisent nécessitent parfois l’utilisation de cette technique (bien que de manière mesurée), dans un contexte où leur profession est souvent méconnue et non reconnue pour ce qu’elle est. Devant les processus de délégitimation de l’auto‑divulgation délibérée par les autres professionnels de la santé et les diverses menaces que cela fait planer au-dessus de leur tête, les participants tendent alors à s’adonner à cette pratique de manière silencieuse et cachée, au nom d’une certaine éthique qui vise à aplanir l’inégalité de la relation thérapeutique et à requalifier le « savoir des gens ».

Conclusion

L’objectif de la présente recherche était d’étudier la complexité des dynamiques interprofessionnelles, jamais exemptes de pouvoir, qui interviennent dans l’application des différentes formes de savoir au sein des services sociaux et de santé, plus spécifiquement des savoirs expérientiels au fondement de l’auto‑divulgation délibérée comme outil d’intervention. Cette recherche exploratoire ne prétendait pas à l’exhaustivité, mais plutôt à engendrer une réflexion sur la pratique de l’auto-divulgation délibérée chez les travailleurs sociaux francophones d’Ottawa et sur sa reconnaissance dans le champ de la santé. Les participants à l’enquête sont d’avis que c’est à partir de l’ouverture d’un dialogue basé sur le partage d’expériences qu’il devient possible de construire une relation d’aide davantage égalitaire, ce qui rend admissible, à leurs yeux, l’utilisation éclairée de l’auto-divulgation délibérée dans la pratique. Ils considèrent que leur cheminement personnel est aussi important que celui du client, restituant ainsi la légitimité et les bénéfices de l’ensemble de leurs savoirs pour l’intervention thérapeutique, tant leurs savoirs d’expérience que leurs savoirs scientifiques et professionnels. Cependant, les savoirs expérientiels tendent à être dévalorisés par les autres professions du secteur de la santé mentale, notamment par la médecine et la psychologie, régentées par des savoirs dits scientifiques et professionnels qui sont considérés plus légitimes et donc supérieurs. Qui plus est, la rentabilité accrue qui est de mise dans la plupart des services sociaux et de santé ne favorise pas des formes d’accompagnement qui passent par des techniques (comme l’auto‑divulgation) relationnelles, invisibles et qui nécessitent du temps. Dans ce cadre, les travailleurs sociaux se trouvent confrontés à un choix difficile : pratiquer ouvertement l’auto-divulgation, au risque de voir leur profession délégitimée et marginalisée par les autres, voire même d’être rappelés à l’ordre; ou s’aménager des espaces personnels où ils pourront s’adonner à des pratiques conformes à leur conception éthique de la relation d’aide, mais de manière plus ou moins tacite et fermée. Il serait intéressant, dans le futur, de confronter les propos des travailleurs sociaux sur l’auto-divulgation délibérée à ce qu’en pensent les gestionnaires ainsi que les praticiens des autres corps professionnels œuvrant dans le champ de la santé mentale.

ABSTRACT:

In this article, we shall see that it tends to be difficult to establish deliberate self-disclosure in a justifiable way because it can blur the distinction between expert and layman, as well as create ambiguity between the public place and the private space where they are built, and make it harder to determine the professional legitimacy of certain practices. The singular experience of French-speaking social workers working in the health field in the Ottawa region will allow us to grasp the complexity of these dynamics, which intervene in the application of the deliberate self-disclosure by the therapist.

KEYWORDS:

Self-disclosure, deliberated self-disclosure, expert knowledge, layman knowledge, experiential knowledge, professional legitimacy, social workers, mental health

Notes

  1. Sigmund Freud. Encyclopaedia Britannica. Encyclopaedia Britannica Online Academic Edition. Encyclopædia Britannica Inc., 2013, 5 décembre 2013. Voir http://www.britannica.com/EBchecked/topic/219848/Sigmund-Freud. Consulté le 5 août 2015.
  2. Nous définirons pour le moment l’auto-divulgation comme une pratique de l’intervenant consistant à dévoiler consciemment certaines informations de sa vie personnelle au cours de la relation d’aide. Ces informations seront qualifiées dans cet article de « savoir d’expérience » ou « savoir expérientiel ».
  3. Ces programmes consistent à recruter, former et intégrer au sein des services sociaux et de santé des personnes qui vivent ou ont vécu un trouble semblable à celui des personnes utilisatrices des services, en vue de faciliter l’identification de ce qui peut les aider à se rétablir, de mieux surmonter les obstacles, et de redonner espoir. Voir Godrie (2014) et Laval et Furtos (2010). Nous verrons cependant que tout comme les savoirs expérientiels à la source de la pratique de l’auto-divulgation, les compétences fondées sur l’expérience personnelle des pairs aidants ne font pas l’unanimité au sein des équipes professionnelles.
  4. Le 11 septembre 2001 est un exemple où tant le thérapeute que le client ont été impliqués directement ou indirectement dans l’événement traumatisant.
  5. Les études prises en compte dans cette recension des écrits définissent les thérapeutes comme étant des professionnels cliniques qui offrent des services de psychothérapie ou de counseling, tels que les psychologues, conseillers en orientation, ergothérapeutes, infirmiers, psychoéducateurs, travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux.
  6. Gibson (2012) explique deux situations personnelles contradictoires qu’elle a vécues : 1) elle s’était vu reprocher la divulgation de son orientation sexuelle à un patient, jugée inappropriée en institution, plus spécifiquement au sein d’un programme familial de santé mentale; 2) mais elle a aussi dû divulguer son orientation sexuelle afin de se plier à une politique d’un organisme qui offrait un programme de traitement des abus destiné à la communauté gais/lesbiennes/bisexuels/transgenres et qui demandait des intervenants issus de la même communauté en tant que stratégie de soutien à des changements positifs.
  7. Les théories féministes font l’examen critique de la position de pouvoir du thérapeute et réexaminent comment cette relation doit devenir plus équitable et collaborative. Selon elles, l’auto-divulgation est non seulement permise, mais requise.
  8. « The common factors are the elements of the therapeutic intervention that cannot be explained or limited by theoretical orientation » (Gibson, 2012 : 293).
  9. Une situation liée à la transformation du travail social entre les années 1970 et 1990, qui met en péril leur existence dans les services et, par défaut, leur emploi (Prades et Parazelli, 2011/2 : 193).
  10. « Medical predecessors concerned with transmission of infection, created a culture supporting strict and inflexible boundaries. This may well have influenced Freud’s classical position. Freud insisted (1912) that the therapist should be impenetrable to the client […]. Nevertheless, Freud opposed analyst self-disclosure on the basis that it interferes with transference. Transference was regarded as the central focus in therapy. The analyst role is to remain a ‘blank screen’ onto which the transferences of early relationships can be projected from the client. The therapist’s own responses towards the client are known as counter transference and regarded as an obstacle to a positive outcome in therapy » (Carew, 2009 : 267).
  11. Pour plus de précision, voir Le Scelleur (2014), notamment les pages 31 à 35.
  12. Selon Foucault, il s’agit de l’instance théorique unitaire qui prétend filtrer, hiérarchiser, ordonner au nom d’une connaissance vraie, au nom des droits d’une science qui seraient détenus par quelques-uns (Foucault, 1976).
  13. Les pratiques silencieuses font référence principalement aux pratiques qui échappent aux prescriptions et au contrôle de ce qui est permis au sein des professions de la santé et de la relation d’aide.
  14. Pour plus de précision concernant la méthodologie, voir Le Scelleur (2014).

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