Numéro 147

Présentation

À la croisée des chemins, le travail social se retrouve aujourd’hui dans tous ses états. Le contexte sociopolitique actuel, les multiples transformations du réseau de la santé et des services sociaux, les enjeux reliés à l’application du PL 21 ainsi que les problèmes sociaux en émergence influencent, voire refaçonnent les façons de faire et de penser l’intervention sociale.

Au regard du contexte social et des réalités vécues dans les milieux de pratique, le numéro 147 de la revue Intervention, intitulé « Le travail social dans tous ses états », propose d’aborder différents états dans lesquels se trouve le travail social contemporain. La première partie du numéro se concentre sur les transformations organisationnelles et leurs conséquences sur la profession. L’adoption du paradigme de la nouvelle gestion publique par le gouvernement du Québec, depuis le milieu des années 1990, est certainement un enjeu important qui contribue à mettre les travailleuses sociales dans tous leurs états. À cet effet, l’article de Josée Grenier, Mélanie Bourque et Yvon Boucher montre, à partir d’entretiens réalisés auprès de travailleuses sociales, en quoi la nouvelle gestion publique, mais également l’adoption de la loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales, peuvent avoir des effets néfastes tant sur la santé psychique des professionnelles que sur la profession elle-même.

Dans l’article de Stéphane Richard et Roger Gervais intitulé « Le travail social et l’art de se maintenir dans tous ses états », les auteurs prennent le contre-pied des lectures actuelles qui voient dans le contexte organisationnel la source de tous les maux des travailleuses sociales. Selon les auteurs, le travail social est une profession qui, dans ses fondements et ses enseignements, s’appuie sur un regard critique, réflexif et soucieux quant à l’état de la société et les conséquences de cet état sur les populations desservies. Ce regard fait en sorte que les travailleuses sociales sont continuellement dans tous leurs états. Plutôt que d’y voir une source de souffrance, les auteurs invitent à faire de cet état un fondement de l’engagement envers autrui, mais également un socle sur lequel s’appuyer pour amorcer un mouvement vers le changement social.

Dans un autre ordre d’idées, la recherche effectuée par Marie-Hélène Morin et ses collaborateurs portant sur les spécificités du contexte d’intervention et du rôle des travailleuses sociales de troisième ligne en santé mentale montre, contre toute attente, que dans un contexte de travail où prédomine le paradigme biomédical, les travailleuses sociales de troisième ligne parviennent à faire valoir auprès de leurs équipes les spécificités et les valeurs propres à leurs champs d’exercice. L’article de Stéphanie Ethier et Annie Pullen Sansfaçon, quant à lui, porte un éclairage sur le contexte organisationnel actuel et les défis qu’il soulève pour la socialisation et l’adaptation professionnelle de nouvelles venues, soit les travailleuses sociales formées à l’étranger.

Puisque le thème du travail social dans tous ses états invite également à explorer tant les nouvelles formes d’expressions de la profession que ses nouveaux publics, la deuxième section du numéro regroupe des articles qui mettent en lumière de nouvelles problématiques sociales rencontrées par la clientèle du travail social, et explorent de nouveaux moyens d’intervention. Ainsi, l’article de Fiona Neesham-Grenon, Caroline Pelletier et Marie Beaulieu lève le voile sur une réalité peu documentée au Québec, celle de l’autonégligence chez les ainés. À partir des résultats d’une recherche effectuée auprès d’intervenants sociaux œuvrant auprès d’une clientèle aînée en situation d’autonégligence, les auteures font ressortir plusieurs pistes d’intervention possible pour répondre aux difficultés actuelles vécues par cette clientèle. Quant à l’article de Jean-Martin Deslauriers et Diane Dubeau, il porte un éclairage sur une réalité encore peu documentée en travail social, celle des pères ayant des difficultés d’accès à leur enfant à la suite d’une séparation conjugale. À partir d’une analyse portant sur leur point de vue et sur les services offerts par l’organisme Pères séparés inc., les auteurs proposent des pistes d’intervention prometteuses accordant une considération accrue à la question de la socialisation masculine. En dernier lieu, l’article de Grégory Ardiet fait un retour sur les fondements des pratiques alternatives et complémentaires, et explique en quoi une plus grande intégration de ces pratiques par les travailleuses sociales œuvrant en CHSLD pourrait être bénéfique.

Pour terminer, nous invitons tous les lecteurs à participer à la prochaine journée professionnelle organisée par l’OTSTCFQ sur le même thème, celui du travail social dans tous ses états, laquelle aura lieu les 2 et 3 novembre 2018 à Montréal. Pour plus de détails, vous pouvez visiter la section consacrée à l’évènement sur le site de l’OTSTCFQ (www.otstcfq.org) sous « évènement et campagne ».

D’ici là, nous vous souhaitons bonne lecture.