Numéro 152

Application de l’Entente multisectorielle relative aux enfants victimes de maltraitance : qu’en est-il de la formation des intervenants psychosociaux au Québec?

RÉSUMÉ :

L’Entente multisectorielle (EM) relative aux enfants victimes d’abus sexuels, d’abus physiques ou d’une absence de soins menaçant leur santé physique vise à assurer une réponse adéquate, continue et coordonnée aux enfants signalés à la protection de la jeunesse en simplifiant les procédures d’intervention et en évitant la multiplication des protocoles de collaboration entre les établissements (Gouvernement du Québec, 2001). Alors qu’elle vise à officialiser un partenariat dans un contexte d’intervention sociojudiciaire, des études ont montré que la formation initiale et continue du personnel impliqué dans l’EM est éparse et non homogène d’une région à l’autre et qu’il n’existe aucun plan régional de mise en place et de suivi de ces formations. La présente étude s’intéresse plus particulièrement au sentiment des intervenants issus du secteur psychosocial d’être suffisamment formés ou non relativement à l’EM. Elle porte sur un échantillon de 1187 intervenants qui ont rempli un questionnaire en ligne en lien avec leur pratique de signalement et de soutien aux familles. Parmi les répondants, 69,4 % sont membres d’un ordre professionnel, dont l’OTSTCFQ, l’OPPQ et l’OPQ. Les résultats montrent que 40 % des intervenants ne savent pas si l’EM s’applique dans le cadre de leur travail et que 63 % ne se considèrent pas suffisamment formés quant à son fonctionnement. En outre, plus les intervenants se sentent formés, plus ils sont d’avis que l’EM s’applique dans leur contexte de travail. Les analyses de régression logistique montrent que les personnes répondantes qui œuvrent en région éloignée ou dans un centre de protection de l’enfance, de même que celles qui ont davantage d’années d’expérience avec les familles, se sentent davantage formées. Par ailleurs, celles qui se sentent moins bien formées entretiennent des attitudes négatives face au signalement à la protection de la jeunesse. Ces résultats laissent entrevoir certaines inégalités dans l’offre de formations relatives à l’EM et sont discutés en termes de retombées sur la perception des services en protection de la jeunesse chez les intervenants.

MOTS-CLÉS :

Entente multisectorielle, enfants maltraités, formation

ABSTRACT:

The Multisectoral Agreement (MA) relating to children who have been victims of sexual or physical abuse or a lack of care threatening their physical health seeks to ensure an adequate, ongoing and coordinated response to children who have been signalled to youth protection, by streamlining intervention procedures and avoiding the duplication of collaboration protocols between institutions (Government of Québec 2001). While it seeks to officialize a partnership within a context of socio-judicial intervention, studies have shown that it is not uniform from one region to another and that there is no regional plan for the implementation and follow-up of this training (Alain, Nadeau, Leclair et al., 2016). This study focuses more specifically on whether or not workers in the psychosocial sector feel they have been adequately trained in MA. It involved a sampling of 1187 workers who completed an online questionnaire linked to their reporting and family support practices. Some 69.4 % of respondents were members of a professional order including the OTSTCFQ, the OPPQ and the OPQ. Results show that 40 % of workers did not know if the MA applied to their work while 63 % did not feel they were adequately trained in its operation. Moreover, the better trained the workers felt, the more they considered that the MA applied to their work. Logistic regression analyses show that respondents working in remote areas or in a child welfare centre as well as those with more years of experience in working with families tended to feel better trained. In addition, those who felt that they were less well trained entertained negative attitudes with regards to “signalements” or reportings to youth protection. These results suggest a degree of inequality in the provision of training related to the MA and are discussed in terms of their impact on workers’ perception of youth protection services. 

KEYWORDS:

Multisectoral Agreement, abused children, training