Présentation

En novembre 2021, la profession de thérapeute conjugal.e et familial.e (T.C.F.) au Québec célébrait 20 ans d’existence. En effet, c’est en 2001 que l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec (OPTSQ) intégrait les thérapeutes conjugaux et familiaux, ce qui conférait à la nouvelle profession son titre réservé. En 2009, l’organisation a pris la nouvelle appellation de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ). La pratique de la thérapie conjugale et familiale au Québec est passée du counseling conjugal des années 1930 à une discipline appuyée par différentes théories, elles-mêmes de plus en plus soumises aux efforts de validation scientifique. La professionnalisation des pratiques, la reconnaissance de leurs spécificités et l’approfondissement des connaissances et de la recherche sur la psychothérapie auprès des couples et des familles, ainsi que sur les enjeux relationnels que rencontrent ces systèmes, ont permis de favoriser la qualité des pratiques et la protection du public, ce qui s’inscrit dans la mission principale de l’OTSTCFQ.

Afin de célébrer ces 20 années de reconnaissance professionnelle, la revue Intervention lançait en 2021 un appel à contributions ayant pour objectif de faire le point sur les avancées cliniques, le développement des connaissances, les modèles prometteurs et, enfin, les défis et perspectives d’avenir de la profession. Pour ce faire, trois axes étaient alors proposés, soit : 1. la thérapie conjugale et familiale d’hier à aujourd’hui et les perspectives d’avenir; 2. les nouvelles avancées cliniques issues de la pratique et de la recherche; 3. la recherche portant sur les thérapies conjugales et familiales : des modèles éprouvés et leur efficacité ainsi que des enjeux cliniques contemporains.

Par cet appel à contributions, nous cherchions à réunir une pluralité d’articles présentant chacun une perspective critique et réflexive susceptible d’alimenter les débats actuels et d’améliorer les pratiques et la recherche en thérapie conjugale et familiale, dans l’intérêt des systèmes concernés, de l’évolution des connaissances et des pratiques professionnelles. Nous souhaitions mettre de l’avant des articles issus du contexte québécois, tout en accordant une place au contexte international. Cet appel visait ainsi à favoriser une mise à jour de la profession dans ses aspects cliniques les plus contemporains, en matière de recherche, mais aussi d’enseignement et de formation, sur des problématiques actuelles et des pratiques éprouvées ou novatrices, afin de participer au renouvellement des pratiques en thérapie conjugale et familiale, au bénéfice de l’ensemble des systèmes humains et vivants.

Bien que la date de tombée de l’appel à contributions ait été maintes fois reportée en 2021-2022, il n’a pas donné l’effet escompté en ce qui a trait au nombre d’articles produits, notamment en raison du contexte pandémique. Pour certains dont le soutien a été très sollicité durant cette période, il sera toujours temps de contribuer autrement aux avancées de la recherche en thérapie conjugale et familiale, en alliant les dimensions de la recherche scientifique à leur pratique clinique.

Néanmoins, les articles qui composent ce numéro, généralement écrits par des T.C.F., donnent un aperçu de l’application de certaines approches en thérapie conjugale et familiale (TCF) au Québec. En ce sens, ils mettent l’accent sur des éléments qui facilitent le travail thérapeutique, adapté aux réalités familiales contemporaines et diversifiées. Aussi, l’ensemble des articles apporte un éclairage marquant et novateur sur des aspects centraux du travail des T.C.F. dans divers milieux de pratique. Par ailleurs, le regard prudent que portent les autrices ou les auteurs sur les dimensions éthiques fondamentales de l’exercice de la thérapie conjugale et familiale en fait des écrits de grande valeur pour la profession. Ils témoignent de l’ouverture, de la rigueur, de l’équité et du respect essentiels à l’expertise des T.C.F. et aux meilleures pratiques professionnelles en thérapie conjugale et familiale. Nous tenons à remercier chaleureusement les autrices et les auteurs pour leur précieuse contribution à ce numéro hors série de la revue Intervention visant à souligner les 20 ans d’une profession prometteuse et en pleine croissance. 

Ce numéro s’ouvre par un éditorial signé par Sylvain Nadeau dans lequel il trace les grandes lignes de l’évolution de la profession de T.C.F. au Québec, depuis son intégration au système professionnel en 2001. Un tableau historique est annexé à l’éditorial, auquel s’ajoute une liste documentaire pertinente se rattachant exclusivement à la profession de T.C.F., ainsi qu’une autre où la documentation concerne tout autant la profession de T.C.F. que celle de T.S. à l’OTSTCFQ. 

Par la suite, la section « Résultats de recherche » fait place à deux articles. Un premier article rédigé par Jeffrey McCrossin et Maude Champagne est intitulé « Working with Interpreters: Clinical Implications for Couple and Family Therapists ». Dans cet article, les auteurs présentent une revue de littérature portant sur l’interprétation linguistique et culturelle dans le contexte de la TCF tout en explorant des questions telles que les alliances interprète-thérapeute-client, la formation des thérapeutes et des interprètes ainsi que des considérations pratiques à travers une optique de pratique systémique et anti-oppressive. Le deuxième article de la section « Résultats de recherche », rédigé par Lyne Douville et Marie-Josée Martel, s’intitule « Quand le déclic entre la mère et le nourrisson tarde. Tabous autour de la naissance ». Cet article fait état des résultats d’une recherche portant sur le vécu de la grossesse, l’accouchement, l’allaitement et le retour à la maison comme une base (positive ou négative) à l’édification des relations entre le(s) parent(s) et l’enfant.

Ce numéro se compose également de trois récits de pratique. Le premier récit, intitulé « Vers un espace de jeu partagé pour les enfants et leur famille en psychothérapie familiale » et rédigé par Louise Roberge, traite de la fonction importante du jeu chez l’enfant sur le plan affectif et de sa pertinence en psychothérapie familiale. Des concepts concernant le jeu en psychothérapie individuelle et familiale sont présentés. Par ailleurs, à partir de son expérience clinique, l’auteure apporte des illustrations de la contribution des enfants en thérapie familiale. Le deuxième récit de pratique, écrit par Mathilde Baumann, Claude Bélanger et Natacha Godbout, présente des pistes pour l’accompagnement des couples qui consultent pour des difficultés reliées à la transition parentale. Enfin, l’article de Musuk Viger Rojas et Anny Veillette présente, à partir d’un entretien réalisé avec Carole Hamel et Serge Arpin, deux pionniers de la clinique du couple et de la famille, les fondements cliniques de l’approche psychanalytique en thérapie conjugale et familiale. 

Pour ce qui est de la section « Débats et analyses critiques », l’article d’Ainsley Jenicek et Heather MacIntosh intitulé « What About Our Chosen Kin? Determining Who Counts as Family Within Family Therapy » présente le concept de famille choisie et son implication pour la pratique en TCF. Quant à l’article de Marjorie Rabiau intitulé « Le modèle écosystémique à travers une lentille intersectionnelle : évoluer vers des approches affirmatives et de troisième ordre en thérapie conjugale et familiale », celui-ci discute de la nouvelle vague, en thérapie familiale, qui prend en compte les effets des dynamiques de pouvoir et de privilège dans la société et notamment sur les couples et les familles. 

En vous souhaitant une bonne lecture.