Numéro 142

L’enfant intersexué : dysphorie entre le modèle médical et l’intérêt supérieur de l’enfant

RÉSUMÉ :

À la naissance d’un enfant dont le sexe semble atypique, les parents sont confrontés à une vision généralement pathologisante  de l’état de leur enfant par le milieu médical. Celui-ci estime ainsi justifié  de poser des actes médicaux irréversibles sur le corps d’enfants qui ne peuvent donner leur consentement éclairé. Ces interventions viseraient, entre autres, de permettre aux parents de s’attacher  à leur enfant ce qui est, au sens clinique, une aberration dans le contexte  de la création d’un lien d’attachement sécurisant pour un enfant. Normaliser le corps [le sexe] d’un enfant afin qu’il soit conforme à une idéalisation parentale et sociétale va à l’encontre  de la théorie de l’attachement. Car pour qu’un  enfant puisse développer une relation d’attachement sécurisante, c’est au parent de s’adapter et répondre aux besoins de l’enfant et non l’inverse. Les auteurs proposent une réflexion critique sur les pratiques sociales pouvant offrir une réponse alternative à celle déployée par le système médical.

MOTS-CLÉS :

Attachement, désordre (différence) du développement sexuel (DSD), intersexuation, intersex, intérêt supérieur de l’enfant,  autorité médicale

INTRODUCTION

Les représentations sociales des sexes sont organisées autour d’une présomption voulant qu’il n’y en ait que deux : mâle et femelle. Qui plus est, ceux-ci sont compris comme étant mutuellement exclusifs et opposés, assignant tout enfant qui nait à endosser une identité sexuée de fille ou de garçon. Cette assignation se fait sur la base de marqueurs, anatomiques ou génétiques, jugés inaliénables et composés des organes génitaux externes, des chromosomes et d’un système hormonal correspondant (Lochak, 2008). Or, il arrive que ces marqueurs ne suivent pas le schéma typiquement reconnu : c’est ce qu’on appelle l’intersexuation1.

Il est estimé qu’un enfant sur 2000, voire sur 1000, nait avec une forme ou une autre d’intersexuation, dont la manifestation la plus visible est un sexe d’apparence atypique (Hester, 2004; Tamar-Mattis, 2013). Cette variation, propre à de nombreux organismes vivants, est vue à cause de notre représentation binaire des sexes (masculin/féminin), comme une « erreur sexuelle du corps » (Zucker, 1999 : 1). La personne qui ne nait clairement ni homme, ni femme, ne cadrerait donc pas avec l’ordre social établi (Fausto-Sterling, 1993; Tamar-Mattis, 2013; Zeiler et Wickström, 2009; Zucker, 1999). C’est pourquoi la naissance d’un enfant ne présentant pas les caractéristiques appréhendées de ces représentations dichotomiques est à l’origine d’une source d’inconfort conduisant le système médical à entreprendre des chirurgies normatives sur le corps des enfants présentant une forme ou une autre d’intersexuation, chirurgies visant principalement à « corriger » l’atypie de leurs organes sexuels (Hester, 2004).

Or, depuis plusieurs années, le traitement médical de ces enfants suscite la controverse (Creighton, Alderson, Brown et Minto, 2002; Ehrenreich et Barr, 2005; Hester, 2004; Kessler, 2000; Méndez, 2013; Morland, 2011; Tamar-Mattis, 2013). En effet, les interventions chirurgicales visant à modifier le sexe de l’enfant sont de plus en plus interprétées comme une attribution imposée du sexe de l’enfant (Karkazis, 2008; Tamar-Mattis, 2013). Par ailleurs, depuis quelques années, les personnes qui ont subi ces assignations de sexe affirment que les interventions faites sur des enfants, dans un but de normalisation essentiellement esthétique de leur sexe, sont contraires à leurs droits (Bastien-Charlebois, 2014; Méndez, 2013; Tamar-Mattis, 2006; Tosh, 2013) et posent des questions éthiques très importantes. Leurs voix semblent trouver écho chez certains praticiens spécialisés sur la question. Cependant, les résistances au changement proviennent de certains a priori, portés par le corps médical, selon lesquels il serait plus difficile pour un parent de s’attacher à un enfant au corps non normatif (Hughes, Houk, Ahmed, et Lee, 2006; Morland, 2011). Les études et les protocoles d’intervention dans ces situations ont fait l’objet d’un large débat dans les milieux professionnels concernés2.

L’objectif principal de cet article est de faire une synthèse des connaissances sur le phénomène de l’intersexuation, à travers une recension des écrits. Ainsi, les auteurs veulent acquérir une compréhension critique de l’intersexuation en plus de proposer une réflexion sur les pratiques sociales pouvant offrir une réponse alternative à celle du système médical. Cela s’inscrit dans une perspective anti-oppressive du travail social (Pullen Sansfaçon, 2013), à laquelle adhèrent les auteurs, dans une optique de transformation sociale qui valorise et soutient les capacités d’autodétermination des personnes. Comme la mise à jour des connaissances constitue un des piliers de la pratique anti-oppressive (Pullen Sansfaçon, 2013), une telle recension est d’autant plus pertinente que l’intersexuation demeure méconnue des travailleurs sociaux.

Conséquemment, les questions suivantes ont guidé l’analyse de la littérature : quels sont les paradigmes qui sous-tendent la réponse médicale devant la naissance d’un enfant né intersexué? Comment les parents réagissent-ils face à l’annonce de l’intersexuation de leur enfant? Quels peuvent être les conséquences des procédures chirurgicales d’assignation de sexe non seulement sur l’enfant, mais également sur sa relation avec son parent? Comment les capacités d’autodétermination des personnes intersexuées et de leur famille sont-elles prises en compte?

La présente recension permet donc d’explorer ces thématiques. Après avoir abordé la méthodologie déployée pour la recension, nous analyserons les résultats proprement dits; notamment les impératifs conduisant à l’assignation d’un sexe tels que légitimés par le modèle médical dominant, les conséquences liées aux traitements médicaux subis par ces enfants, les réactions parentales quant à l’intersexuation de leur enfant et le regard que posent les adultes intersexués sur leur vécu. À propos du lien parent-enfant, nous développerons également les questions de l’attachement et des conséquences découlant des procédures associées aux chirurgies normatives. Au cours de la discussion, la question du droit inaliénable au respect de l’intégralité du corps de l’enfant sera abordée. La conclusion insistera sur des pistes d’intervention pouvant guider les pratiques des travailleurs sociaux susceptibles d’être confrontés à la situation. D’emblée, précisons que la perspective située3 du premier auteur, praticien œuvrant à la protection de la jeunesse depuis 27 ans, est contenue en filigrane dans ce texte.

1. Méthodologie

La méthode utilisée pour effectuer cette recension respecte les normes habituellement préconisées pour ce genre de démarche (Cooper, 2010; Curtis etCurtis, 2011). Différentes bases de données couramment utilisées en sciences sociales ont été consultées pour effectuer la recension des écrits dont PubMed, PsycARTICLES, Sage Journals Online, SocINDEX, Social Services Abstracts, Taylor et Francis, Cairn et Érudit. Les mêmes mots-clés ont été utilisés pour les bases de données anglophones soit « intersex » AND « attachment » AND « herma* » AND/OR « disorder*sexual*development* » AND/OR « medical*treatment* » « DSD » AND « parent » alors que les mots-clés « attachement » ET « désordre* » ET « sexuel » ET/OU « traitement*médica* » ont été employés pour les bases de données francophones. Pour être retenus, les articles et autres documents devaient traiter de l’intersexualité, du traitement médical des enfants intersexués, de l’attachement dans les situations d’agression sexuelle ou de diversité de genre, de la diversité des réactions des parents à l’annonce de l’état intersexué d’un enfant, des enjeux et des considérations éthiques qui y sont associés et enfin de la perspective des personnes intersexuées sur ces questions. La période retenue pour cette recension est de 1952 à 2014. Enfin, les articles publiés dans d’autres langues que le français ou l’anglais n’ont pas été retenus.

2. Résultats

Pour la composition de ce texte, nous avons retenu un total de quarante-quatre articles, dont dix-huit portant sur le traitement médical des enfants intersexués et neuf sur la théorie de l’attachement. Nous avons également sélectionné sept articles traduisant la perspective des parents eux-mêmes, et neuf traitant de la perception des personnes intersexuées. Enfin, vingt-deux articles présentent une critique des modèles d’intervention en vigueur dont plusieurs sont compris dans les catégories susmentionnées. Cette recension est complétée par trois livres, à savoir Attachment and loss de John Bowlby (1969), une référence incontournable en ce qui concerne la théorie de l’attachement, Fixing sex de Katrina Karkazis (2008), l’un des ouvrages les plus complets sur la question de l’intersexuation et le dernier, Kessler (2000) Lessons from the intersexed. Nous ajouterons également le mémoire de Lucie Gosselin (2012) qui donne une rare perspective québécoise sur le vécu des personnes intersexuées. Et, finalement, nous avons retenu un chapitre de la thèse de John Money (1952) qui donne une perspective sur le bien-être des personnes intersexuées qui n’ont pas subi de chirurgie d’assignation de sexe.

2.1 Réponse médicale à l’intersexuation : correction d’une anomalie et assignation d’un sexe

Les travaux de Money et al. (1955) ont eu une influence déterminante sur le traitement des enfants intersexués au cours des 60 dernières années. Selon Money, le conditionnement et l’éducation sociale ont préséance sur la biologie originelle du corps quant à l’élaboration de l’identité de genre qui, elle, serait malléable jusqu’à 18 mois. L’adhésion à cette théorie de Money explique l’urgence, pour plusieurs spécialistes, d’agir rapidement après la naissance d’un enfant intersexué afin de lui assigner un sexe sur lequel il pourra construire son identité de genre (Kessler, 1990). Ainsi, à la naissance d’un enfant dont le sexe semble atypique, les professionnels, endocrinologues, urologues, chirurgiens et autres semblent poussés par cette urgence d’agir, croyant que son bien-être passe nécessairement par un sexe bien défini (Creighton, Michala, Mushtaqet Yaron, 2013; Davis et Murphy, 2013; Dorlin, 2005; Zeiler et Wickström, 2009). Cette urgence se voit également renforcée par des contraintes légales car, dans la plupart des pays, l’état civil exige que le sexe des enfants soit assigné dans un court délai suivant leur naissance (au Québec, le délai est de 30 jours4).

La procédure chirurgicale d’assignation de sexe consiste en une série d’interventions qui s’échelonnent en fonction de la croissance et du niveau de développement de l’enfant. La première chirurgie s’effectue habituellement entre l’âge de 2 et 6 mois (Zeiler et Wickström, 2009 : 361). C’est alors que le pénis trop petit ou le clitoris trop grand seront supprimés. Certains enfants subiront également une vaginoplastie, c’est-à-dire que l’on procèdera à la création d’un néo-vagin. Parmi ces interventions, celle qui génère le plus de controverses est la clitéroplastie (Bastien-Charlebois, 2013; Morland, 2011; Tamar-Mattis, 2013; Tosh, 2013), c’est-à-dire l’ablation d’un clitoris jugé trop grand. Cela ne viserait qu’à normaliser l’esthétique du clitoris et à s’assurer qu’il n’y ait aucune confusion entre un pénis et un clitoris (Morland, 2011). La construction d’un néo-vagin chez l’enfant (le façonnage d’un vagin considéré comme trop petit pour assurer de futures relations sexuelles [hétérosexuelles] conventionnelles) Roen et Pasterski, 2013)), est également contestée. Par ailleurs, selon plusieurs auteurs (Bastien-Charlebois, 2013; Conti, 2009; Ehrenreich et Barr, 2005; Morland, 2011; Tamar- Mattis, 2013; Tosh, 2013), la féminisation des parties génitales est effectuée plus souvent que l’inverse parce qu’il est plus facile pour les chirurgiens de créer un vagin que de construire un pénis. Le sexe de l’enfant sera alors assigné, légalement et socialement, ce qui n’est pas sans conséquence sur le développement de l’enfant, comme nous le verrons plus loin. Malgré cela, Dorlin (2005 : 129) explique que la pression sociale de normalisation du genre est telle qu’elle amène certains médecins à prétendre que les maux psychologiques et les souffrances physiques liés aux chirurgies normalisatrices du sexe sont un moindre mal par rapport à ceux que la personne éprouverait si elle n’avait pas un sexe bien identifié et normalisé.

De plus en plus, les voix s’élèvent contre ces procédures. L’automatisme d’assignation de sexe en bas âge se fait avec davantage de considérations qu’auparavant suite, entre autres, à l’apparition d’un guide clinique réalisé par le Consortium on the Management of Disorders of Sex Development (2006) et le Consensus statement on management of intersex disorders, par Hughes, Houk, Ahmedet Lee. Parmi ces considérations, nommons le recours à une équipe multidisciplinaire, une attitude plus normalisante de la part des professionnels en lien avec les familles et une information donnée aux parents plus équilibrée et juste concernant l’intersexuation.

2.2 Le traumatisme lié à la chirurgie

Selon Ehrenreich et Barr (2005), plusieurs études ont révélé la douleur et les traumas psychologiques vécus par les enfants réassignés. Ainsi, lors de la construction d’un néo-vagin, la procédure oblige à effectuer une dilatation quotidienne pendant les six mois suivant l’opération et de façon mensuelle par la suite (Ehrenreich et Barr, 2005). Ces interventions douloureuses et répétées peuvent être de nature traumatique (Tamar-Mattis, 2013; Tosh, 2013), et ce, même si les parents veulent s’acquitter de la tâche le plus « humainement » possible. Dans ces situations, les parents peuvent eux- mêmes subir un trauma. Ils peuvent se sentir impuissants devant l’expectative des professionnels de la santé et en se soumettant à la prescription médicale (Tosh, 2013).

Les traumas liés aux interventions chirurgicales non médicalement requises sont très importants pour un grand nombre de personnes intersexuées, cela au point que ces traumas ont été consignés dans le Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Méndez, 2013). Ce dernier y va d’un constat des plus accablants :

« Les enfants qui présentent à la naissance des caractères sexuels atypiques subissent fréquemment, sans leur consentement éclairé ou celui de leurs parents et dans le but de “rectifier leur sexe”, une intervention d’assignation sexuelle irréversible, une stérilisation forcée ou une chirurgie normalisatrice de l’appareil génital, qui engendre une infertilité définitive et des souffrances psychologiques aiguës » (Méndez, 2013 : 20).

Ce constat amène à la recommandation peu équivoque suivante :

« Le Rapporteur spécial demande instamment à tous les États d’abroger toute loi qui autorise les traitements médicaux invasifs ou irréversibles, notamment la chirurgie normalisatrice de l’appareil génital imposée […] sans le consentement libre et éclairé de la personne concernée » (Méndez, 2013 : 25).

Ce rapport, commandé par l’Organisation des Nations Unies (ONU), place ces interventions dans la même lignée que la torture et la cruauté, ce qui alimente la réflexion sur les conséquences et les traumas qui peuvent être liés aux chirurgies d’assignation de sexe faites sur les enfants. Certains auteurs associent ces interventions à une forme d’agression sexuelle commise sur l’enfant, particulièrement en ce qui concerne les dilatations vaginales évoquées plus haut (Ehrenreich et Barr, 2005; Tosh, 2013). Ce lien entre les traitements de dilatations vaginales et l’agression sexuelle n’est pas si loin de la réalité, comme l’expliquent Ehrenreich et Barr (2005 : 107) :

« Dans une vidéo éducative publiée par l’ISNA [Intersex Society of North America], un conférencier décrit une scène impliquant une famille qui était venue à l’hôpital pour obtenir de l’aide pour procéder à une dilatation vaginale sur leur enfant qui n’obtempérait pas. Dans la scène (comme décrit dans la vidéo), un médecin a essayé de dilater une fillette de neuf ans qui a été retenue, bras et jambes écartées sur la table d’examen par les étudiants en médecine, tandis que huit à dix professionnels regardaient » (traduction libre).

Il est plutôt aisé de comprendre que cet enfant a pu vivre cet événement comme une agression sexuelle. Kessler (2000 : 59-60, dans Tosh, 2013 : 78) se questionne : « Quel sens prend donc l’intervention pour “l’inséreur” et “l’insérée” ? Est-ce que la partie du corps perd toutes ses connotations sexuelles ou la personne [l’enfant] vit-elle cette intervention comme un viol par [ses] parents, comme une agression sexuelle? » (traduction libre). Tosh (2013 : 79) fait également référence non seulement à des touchers, mais à des « stimulations des organes génitaux pour vérifier la fonctionnalité du sexe » (traduction libre). Outre les manipulations génitales associées aux chirurgies normalisatrices, les enfants et adultes intersexués sont également photographiés, nus, afin d’illustrer l’« anormalité » de leur corps, et ce, sans prendre en considération ni l’effet que cela peut avoir et ni le consentement du patient (Creighton, Alderson, Brown et Minto, 2002). Pour plusieurs enfants intersexués, les nombreuses photos prises et les manipulations faites sous le regard des professionnels peuvent aussi revêtir un caractère psychologiquement dommageable (Conti, 2009 : 488; Tamar-Mattis, 2013 : 92).

Tosh (2013) soutient que le fait de ne pas considérer les touchers ou contacts génitaux comme potentiellement abusifs, sous prétexte que ces manipulations se font dans un contexte médical, est, en soi, problématique. Cela serait comme prétendre qu’un abus ne peut être réel puisqu’il n’y a pas d’intention malveillante. Selon Tosh (2013 : 79), « il vaudrait mieux définir l’expérience à partir du vécu de la personne qui a subi lesdits contacts » (traduction libre), lesquels sont généralement non désirés et non sollicités. Karakurt et Silver (2013 : 79) y vont d’un constat semblable et décrivent comme une agression sexuelle n’importe quel toucher sexuel ou « activité génitale forcée » perpétrés sur un enfant incapable de donner un consentement en raison de son âge, d’un handicap ou d’un « différentiel de pouvoir ». Si nous acceptons que les contacts à répétition sur les organes génitaux d’un enfant puissent être vécus comme une agression sexuelle ou encore comme une intrusion dans son intimité, il faut également considérer que les conséquences normalement liées aux agressions sexuelles peuvent aussi être dommageables pour les enfants ayant vécu des attouchements dans le cadre du suivi médical, et ce, avec les conséquences qui en découlent.

2.3 La parentalité au défi

Au moment d’apprendre que leur enfant est né sans sexe immédiatement catégorisable, les parents sont souvent en état de choc (Gough, Weyman, Alderson, Butleret Stoner, 2008). C’est pourquoi les chirurgies deviennent, en quelque sorte, « la réponse pour faire face à la détresse exprimée par les parents » (Zeiler et Wickström, 2009 : 361, traduction libre). Pour d’autres, les pratiques d’assignation d’un sexe à l’enfant visent à favoriser l’attachement du parent à son enfant né intersexué (Hughes et al., 2006; Morland, 2011). Pour ces parents, peu au fait de la diversification sexuée des corps, un enfant ainsi né représente un défi important puisque socialement, les pratiques éducatives genrées font en sorte que garçons et filles doivent être éduqués différemment (Bastien- Charlebois, 2011; Conti, 2009; Dorlin, 2005; Gough et al., 2008).

Une étude qualitative, réalisée par Sanders, Carter et Goodacre (2008) auprès de dix parents d’enfants de moins de 11 ans au sujet de leurs expériences et de leur compréhension du phénomène de l’intersexuation de leur enfant, démontre que les parents concernés ressentent de la confusion et de la déception à cause de l’intersexuation. Dès la naissance, les parents rapportent avoir eu des sentiments d’incertitude, d’insécurité, de vulnérabilité, et parfois même de doute, quant à leurs capacités d’établir et de maintenir un lien avec leur enfant. Un des parents, cité dans l’étude de Sanders et al. (2008 : 3191), mentionnait ne pas avoir eu le même lien d’attachement avec son enfant intersexué qu’avec ses autres enfants :

Je ne me suis jamais sentie maternelle avec P, je n’ai jamais senti comme si j’avais eu un bébé, c’est comme si je m’étais réveillé et qu’elle avait déjà sept mois, c’est qu’après l’opération elle était devenue une fille. Les six premiers mois de sa vie, c’est comme si je m’étais occupé de l’enfant d’un autre […] on ne peut pas créer un lien, un bon lien, avec un bébé qui se fait constamment tripoter par les gens… (traduction libre).

À la naissance d’un enfant intersexué, les parents se sentent dans l’obligation de faire quelque chose pour rectifier le sexe atypique de l’enfant. La chirurgie vient ainsi consacrer l’impression d’avoir été un bon parent puisqu’elle vise, dans leur esprit, à protéger leur enfant en le normalisant (Sanders et al., 2008 : 3192). Une étude menée par Gough et al. (2008) auprès de 10 parents, soulève des préoccupations semblables au sujet de l’incertitude, du choc et du besoin de faire « quelque chose ». Selon certains parents rencontrés dans le cadre de cette recherche, un sexe clairement identifiable serait en quelque sorte lié à l’essence même de l’être humain. Sans cela, l’enfant serait « no-thing » [rien] : « Je me sentais comme en état de choc, je n’ai pas, je ne pouvais pas, m’identifier avec… avec elle, en tout cas, parce que je ne savais même pas ce qu’elle était! » (Traduction libre) (Gough et al., 2008 : 499).

Enfin, une étude conduite par Dayner et al. (2004) auprès de 21 parents d’enfants intersexués ayant subi des chirurgies de normalisation du sexe lors de l’enfance, démontre qu’une majorité importante de parents (95 %) affirme qu’ils reprendraient la même décision, et ce, malgré la connaissance des impacts éventuels sur l’absence de ressenti lors des relations sexuelles. Selon cette même étude (Dayner et al., 2004:1763), tous les parents croient qu’il vaut mieux faire l’opération lors de la petite enfance sans attendre que l’enfant soit en âge de donner son consentement. L’étude remet toutefois à l’avant-plan l’importance d’éduquer les parents sur la réalité de l’intersexuation et surtout de faire comprendre « qu’il y a tout de même peu d’études qui examinent le développement psychosexuel des personnes intersexuées et que, par conséquent, il y a peu de données probantes » (Dayner et al., 2004 : 1763, traduction libre). Parmi les autres résultats obtenus lors de cette recherche (Dayner et al., 2004 : 1764), 70 % des parents ont tendance à associer une orientation sexuelle traditionnelle (c’est-à-dire hétérosexuelle) comme gage d’une assignation de sexe réussie :

« Cet accent mis sur l’orientation sexuelle hétérosexuelle suggère un niveau d’intolérance […] et cela doit être abordé avec les parents ouvertement lors des discussions dans la période néonatale et par la suite, afin de réduire le risque de rejet de l’enfant intersexué » (Dayner et al., 2004 : 1764, traduction libre).

2.4 L’information donnée aux parents

Certains intervenants du milieu médical affirment que le choix de « normaliser » l’enfant est une réponse à l’urgence d’agir pour le parent. Ils occultent toutefois le fait que la seule information reçue par les parents est très souvent une information qui vient de l’autorité médicale et qui « pathologise » l’état de l’enfant (Tosh, 2013). Pour Boyse, Gardner, Marvicsin et Sandberg

(2014), les parents ont besoin d’une information claire, dans un langage adapté, afin de comprendre les enjeux réels de la condition de leur enfant. Ils ont besoin de soutien social et professionnel (d’autres parents, groupes, information d’un autre professionnel, etc.).

La recherche effectuée par Streuli, Vayena, Cavicchia-Balmer et Huber (2013) auprès de 89 participants démontre en effet que, lorsque l’information donnée aux parents est de nature « pathologisante », les parents souhaitent à 66 % qu’une intervention chirurgicale soit effectuée. Si l’information est démédicalisée, cette proportion passe à 23 %. Bien que la recherche ne soit que théorique puisque les participants sont placés dans un contexte de mise en situation et non dans une situation réelle, elle démontre tout de même que le type et la qualité de l’information donnée ont une influence marquante sur le choix que les parents feront pour leur enfant. L’étude de Creighton et al. (2013) va dans le même sens puisque, selon ces derniers, lorsque les parents reçoivent davantage de soutien, ceux-ci tendent à remettre à plus tard les chirurgies d’assignation de sexe.

Il demeure que bon nombre de personnes intersexuées aujourd’hui adultes, ont vécu une réalité différente pendant l’enfance. En effet, le paradigme alors en vigueur voulait que, pour que l’intervention de réassignation de sexe réussisse, cela se fasse sous « le sceau du secret et la divulgation du moins d’information possible aux parents » (Bastien-Charlebois, 2013 : 2). Tamar-Mattis, Baratz, Baratz Dalke et Karkazis (2013 : 47) affirment qu’on ne divulguait pas l’information aux parents et encore moins aux enfants afin, disait-on, de les protéger d’une souffrance trop grande et de leur offrir une meilleure qualité de vie.

2.5 La perception des personnes intersexuées sur leur vécu

Depuis plusieurs années, les associations de personnes intersexuées militent pour mettre fin aux procédures imposées d’assignation de sexe. Il ressort de leurs discours que l’assignation imposée d’un genre et d’un sexe n’est pas nécessairement corrélée avec l’identité développée par la personne. De nombreuses recherches qualitatives et articles critiques des modèles d’interventions en cours démontrent que celles-ci ne conduisent pas nécessairement à un mieux-être psychologique chez les personnes concernées (Bastien-Charlebois, 2013; Davis et Murphy, 2013; Gosselin, 2012; Roen et Pasterski, 2013).

Dans le cadre de sa maitrise en anthropologie, Gosselin (2012) a interviewé des personnes intersexuées à propos de leur vécu. L’auteure relate l’expérience de certains de ces participants et leurs perceptions des conséquences que les traitements ont entrainé sur leur développement physique et social (Gosselin, 2012 : 53) :

Quelquefois, c’est difficile de savoir qui on est parce que c’est une destruction totale d’une personne […]. Les traitements médicaux et les traitements sociaux, ce qu’on fait à un intersexué c’est une déconstruction psychique et physique d’une personne et c’est vraiment difficile […] de ramasser les miettes et d’essayer de se construire une identité, une sexualité. […] Comment former une identité quand tout le monde te ment? (Philippe)

J’ai pas donné mon consentement; […] Ils ont mutilé mon identité en bas âge et puis ça a été toute une chose à surmonter par la suite, là. […] on parle, dans mon cas, de 3-4 chirurgies avant l’âge de 6 ans. […] ils n’ont pas idée de comment ça va t’affecter dans le futur ce genre de choses là. (Rita)

Gosselin (2012) fait ainsi état d’une confluence parmi les récits voulant que les personnes intersexuées soient amenées à taire leurs souffrances et à accepter leur assignation de sexe/genre. Dans ce contexte, il est difficile, voire impossible [pour elles] « de se faire une représentation cohérente [d’elles-mêmes] et de pouvoir l’exprimer » (Gosselin, 2012 : 53). Bastien-Charlebois (2013 : 1) explique :

« En étant placées en état d’exception, nous, personnes intersexuées ou intersexes qui avons subi des transformations de notre sexe sans notre consentement, apprenons tôt que notre corps ne nous appartient pas, qu’il est si repoussant aux yeux des parents ou des autorités médicales que ceux-ci s’estiment parfaitement justifiés de porter atteinte à notre intégrité physique. Nous apprenons que notre avis et la vision que nous entretenons de notre corps ne comptent pas ».

Cette prise de position rejoint celle de Davis et Murphy (2013 : 136) : la réalité intersexe doit être analysée sous différents angles pour en avoir une meilleure compréhension, en particulier sous l’angle de ceux qui sont personnellement touchés. Il en est de même pour Tosh (2013) qui concluait que la perception des personnes intersexuées est le meilleur vecteur pour comprendre la réalité de leurs vécus.

2.6 Le concept de l’attachement dans le contexte de la diversité de genre

Selon la théorie de l’attachement mise de l’avant par Bowlby (1969) et Ainsworth (1969), l’attachement sécurisant de l’enfant passe d’abord par une relation entre lui et son parent qui est en mesure de décoder, interpréter et répondre à ses besoins. C’est par les milliers d’interactions entre son parent et lui que l’enfant apprend et enregistre un modèle relationnel. Quand l’enfant exprime un besoin, son parent saura le décoder et l’interpréter pour ensuite y répondre dans un délai opportun (Ainsworth, 1969; Bowlby, 1982). Le parent saura aussi réconforter son enfant et le protéger. Ainsi, l’enfant apprend de cette série de transactions que le monde autour de lui peut être protégeant et sécurisant (Ainsworth, 1969; Bartholomew et Horowitz, 1991; Bowlby, 1982). Sans cette protection, l’enfant apprend que le monde extérieur peut être non protégeant et, avec le temps, il cherchera à limiter ou à contrôler ses interactions dans le but de se protéger lui-même. Selon le cas, un type d’attachement émergera, qu’il soit « sécure » ou « insécure »5. D’après la théorie de l’attachement, l’enfant intègre, par le biais de ses interactions avec le parent, un « modèle opérant interne » (Bartholomew et Horowitz, 1991; Bowlby, 1969, 1982; Paquette, Bigras et Parent, 2001; Ravitz, Maunder, Hunteret al., 2010). C’est à partir de ce modèle qu’il développera un sentiment de confiance et qu’il établira ses relations sociales (Paquette et al., 2001), qu’il interprètera son expérience avec l’autre et qu’il conceptualisera ses relations futures (Karakurt et Silver, 2013). Ce modèle d’attachement devient le style d’attachement6 qui viendra moduler ses interactions à l’âge adulte, sa capacité à réguler le stress et le fonctionnement social (Ravitz et al., 2010).

Le concept de l’attachement est un incontournable aujourd’hui dans la conceptualisation des services et des soins prodigués aux enfants et à leurs familles. Pourtant, lorsqu’il est question de l’attachement dans le cadre des interventions chirurgicales d’assignation de sexe, le concept lui-même semble dénaturé, car c’est une conceptualisation du lien d’attachement à partir du besoin du parent à l’égard de l’enfant qui est mise en avant, et non l’inverse.

2.7 L’impact d’une chirurgie d’assignation de sexe sur le lien d’attachement entre l’enfant et son parent

Il y a très peu d’écrits scientifiques sur le thème de la relation d’attachement dans le contexte d’enfants nés avec une condition intersexe. Hugues et al. (2006) reconnaissent qu’il y a peu de données démontrant que les chirurgies d’assignation de sexe contribuent à un meilleur attachement enfant/parent. Par ailleurs, il nous parait paradoxal, ici, de rapporter que la seule étude à laquelle nous avons eu accès et qui traite des cas de personnes intersexuées n’ayant pas subi de traitement chirurgical vient de la dissertation non publiée de John Money en 1952 : Hermaphroditism: An Inquiry Into the Nature of a Human Paradox. Money lui-même reconnaitra qu’il est étonnant de voir à quel point les « hermaphrodites » semblent avoir très peu d’incidence psychopathologique liée au « paradoxe » de vivre avec un corps ambigu (1952 : 197). En faisant référence au bien-être psychosexuel, Money (1952:201) affirme : « le paradoxe de l’ambisexuation semble plus facile à vivre lorsqu’on y fait face sans a priori au lieu d’esquiver et d’atténuer la question » (traduction libre). Le paradoxe ici est que, trois ans plus tard, Money fera volte-face en publiant avec Hampson et Hampson Hermaphroditism: recommendations concerning assignment of sex, change of sex and psychologic management (Money et al., 1955). Pour revenir aux études plus contemporaines sur la question de la relation d’attachement, certaines études examinent cette relation dans des contextes analogues à l’intersexuation. Tel est le cas de Wallace et Russell (2013) qui étudient l’impact de la relation d’attachement et de la honte chez les jeunes ayant une dysphorie de genre. Bien que la dysphorie de genre ne soit pas la même chose que l’intersexuation7, les deux phénomènes renvoient tout de même à la perception de soi en tant qu’entité sociale (Reiner et Reiner, 2012). Ainsi, certaines des notions abordées par Wallace et Russell (2013) peuvent aider à comprendre les rapports entre le concept de l’attachement et la qualité du lien entre l’enfant intersexué et ses parents. Selon Zucker (2008, dans Wallace et Russell, 2013 : 114), « […] il est pertinent de considérer l’apport de la théorie de l’attachement lorsqu’on intervient auprès des enfants, puisqu’elle vise à modifier la façon dont le parent va répondre au vécu identitaire de son enfant transgenre [dans son sens large] » (traduction libre).

Selon Hill, Menvielle, Sica et Johnson (2010 : 9), on doit prendre en considération le fait que, chez les parents d’enfants ayant une variation de genre, il y a une possibilité accrue que ceux-ci soient mal à l’aise face à leur enfant et puissent ainsi avoir une attitude de rejet et ne pas être disponible sur le plan émotionnel. Or, un enfant qui n’a pas accès à un parent chaleureux et réconfortant risque de développer un attachement « insécure ». Par ailleurs, nous savons aussi qu’un enfant reproduit les comportements vécus dans sa relation avec ses parents (Bowlby, 1982; Karakurt et Silver, 2013). Si le parent démontre un inconfort, un malaise ou une honte à l’égard de l’identité de genre de son enfant, l’enfant pourrait intégrer ce malaise dans sa propre conception de soi. De là surgit un potentiel sentiment de honte chez l’enfant qui risque de compromettre son sentiment de sécurité dans sa relation avec les autres et qui pourrait transcender ses interactions sociales tout au long de sa vie.

3. Discussion

Il ressort du modèle médical en place que les traitements d’assignation de sexe donnent des résultats pour le moins mitigés. Si ces traitements visent une intégration de l’enfant dans un monde aux genres binaires en lui assignant un sexe normalisé, le modèle échoue par son propre processus de traitements répétés consacrant l’anormalité de l’enfant. Qui plus est, ces traitements conduisent souvent à des traumas (Ehrenreich et Barr, 2005; Tamar-Mattis, 2013; Tosh, 2013). Certaines de ces procédures conduisent les parents à participer à ces gestes, qui peuvent être de nature traumatique,

à cause des impératifs liés aux traitements imposés telles que les dilatations vaginales en cas de vaginoplastie, et ce, en dépit du rôle de protection qui leur est dévolu. Subjugués par l’omniprésence d’un discours « pathologisant » quant à l’intersexuation de leur enfant, les parents sont pris entre le désir de se conformer aux prescriptions médicales et celui de protéger leur enfant (Dayner et al., 2004; Gough et al., 2008; Hughes et al, 2006; Morland, 2011; Zeiler et Wickström, 2009). Ainsi, il nous apparait aberrant, du point de vue clinique, d’opposer le bien-être de l’enfant à celui du parent. D’autant que modifier le corps d’un enfant pour son parent ou pour une idéalisation sociale du sexe est considéré comme une torture par le rapporteur spécial de l’ONU (Méndez, 2013). La revue que nous avons effectuée met en lumière des discours antinomiques. S’il est vrai que permettre aux enfants d’intégrer une société binaire et de vivre ainsi une relation affective plus « sécure » avec leurs parents peut paraître séduisant, cela ne fonctionne manifestement pas. Justifier l’opération sous prétexte de favoriser l’attachement du parent à son enfant est une perversion de la théorie de l’attachement. En effet, c’est au parent de s’adapter à son enfant pour lui offrir une base de sécurité et non pas à l’enfant de s’adapter aux représentations idéalisées du parent pour que ce dernier puisse s’attacher à l’enfant.

Enfin, si on s’en tient au discours des personnes intersexuées que nous avons repérées ici (Bastien- Charlebois, 2013; Davis et Murphy, 2013; Gosselin, 2012; Morland, 2011; Roen et Pasterski, 2013), ces traitements n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Le discours des activistes intersexués démontre que le risque de causer un tort sérieux reste élevé, bien que le traitement se veuille, a priori, bienveillant. Finalement, il n’y a toujours rien de clairement établi, ce qui doit inévitablement nous conduire à davantage de précautions avant de poser des gestes irréversibles. Ainsi, les voix des adultes intersexués qui témoignent des souffrances vécues durant l’enfance nous orientent vers une façon différente d’appréhender l’intersexuation et les travailleurs sociaux ont un rôle à jouer dans le changement des pratiques.

CONCLUSION

Y a-t-il plus de risque de trauma à évoluer avec un sexe non conforme à une conception binaire, ou le risque de trauma est-il plus grand lorsque l’enfant est assujetti à une assignation de sexe non conforme à son état originel? Nous n’avons pas véritablement de réponse, mais ce que nous pouvons certainement avancer est que les parents et les enfants ont besoin d’être accompagnés sans que nous leur imposions des traitements qui n’ont pas fait leurs preuves. L’exercice d’analyse qui doit être fait dans le contexte du soutien à ces familles est multidimensionnel. Le soutien aux parents visera à les amener à soutenir leur enfant dans son évolution selon sa propre nature. L’enfant, quant à lui, doit être soutenu dans son affirmation du droit à la différence et dans l’unicité de son être. À défaut de recherches éclairantes quant au devenir de ces enfants, le respect de l’intérêt supérieur de ceux-ci se traduit par une intervention plus inclusive et non « suppressive ». On ne peut prévoir réellement le sexe/genre auquel l’enfant s’identifiera, ni même s’il s’inscrira dans un sexe/genre spécifique et, à ce titre, nous devons le préserver. À notre avis, les travailleurs sociaux doivent investir la question de l’intersexuation et assumer un rôle de défenseur des droits de ces enfants. Nous pouvons porter la parole des adultes intersexués dans une optique de changement des pratiques normatives imposées encore aujourd’hui dans les hôpitaux pédiatriques du Québec. Le travailleur social qui est amené à contribuer au soutien des familles concernées devra prendre en considération l’importance de la théorie de l’attachement eu égard à ces enfants. L’impact de la première relation dans le devenir des enfants ne soulève aujourd’hui aucun doute sur leur capacité future à entrer en relation avec les autres en toute confiance. C’est à partir de cet angle que le travailleur social est interpellé, car c’est là que notre expertise s’est développée au cours des dernières décennies. Nous devons soutenir ces familles et ces enfants au mieux de nos connaissances, dans le respect de notre champ d’expertise, en les identifiant non pas comme des garçons ou des filles, mais comme « humain avant tout ».

ABSTRACT:

At the birth of a child whose sex seems atypical, parents are faced with a generally medicalized vision of their child’s condition by the medical community,  which proposes irreversible medical procedures on the bodies of children who cannot give informed consent. These interventions aim, among others things, to allow parents to bond with their child. But changing a child’s  body to conform to a parental  and societal view goes against attachment theory, which suggests that in order for a child to develop a secure relationship, it is up to the parent to adapt to their child and not the other way around. The authors offer a critical reflection on social practices that may provide an alternative to the view put forth by the medical community.

KEY WORDS:

Attachment, best interest of the child, disorders (differences) of sex development (DSD); Informed Consent; Intersex; medical authority